mardi 11 novembre 2008

Littérature de Femmes Haitiennes

Littérature de femmes
L'absence totale de femme, dans ces foulées initiatrices des lettres qui verront, sous le vocable de pionniers, la consécration de certains noms d'écrivains, force au constat, dans ce domaine également, d'une entrée féminine quelque peu tardive. Il ne faudra pas moins la deuxième moitié du premier siècle de notre histoire, en effet, pour que, du plus patent anonymat, émergent faiblement, presque miraculeusement, dirions-nous, deux noms appelés, dans le souci tout compréhensible de combler un vide aussi effroyable, à se disputer chez les critiques le titre enviable de précurseur.
D'abord Fine Faubert (fille de Joute Lachenais et de Marc-Joseph Laraque). Son œuvre, unique dans ce genre assez rare dans la littérature, le genre épistolaire, et à laquelle les critiques s'accorderont à reconnaître une certaine valeur artistique, se ramène essentiellement à la compilation posthume de lettres touchantes adressées à Pierre Faubert, son mari et d'autant plus enflammées qu'il s'agit d'épanchements intimes que l'auteur n'entendait nullement partager avec un public.
Plus tard, Virginie Sampeur (1839 - 1919) connue surtout par ces vers devenus célèbres de L'Abandonnée inspirés par la blessure et le désarroi infligés par son très court mariage avec Oswald Durand. Taquinant déjà la muse à l'âge de 17 ans, Virginie Sampeur aurait également publié ses premiers vers dans diverses revues et laissé une biographie inédite d'Angèle Dufour. Son passage remarqué à la direction du Pensionnat National des demoiselles de 1901 à 1909 n'a pas non plus manqué d'être signalé toutes les fois qu'on se rappelait les entreprises méritoires de femmes haïtiennes.
Il faudra attendre les années 1900 pour que, sous des pseudonymes la plupart du temps, se laissent apprécier, dans la poésie que aussi bien dans la prose, des tentatives féminines plus nourries [«La Ronde (1901) et Haïti Littéraire et Scientifique(1905), se vantent d'avoir plusieurs collaborations féminines mais presque toutes anonymes, signées d'un prénom ou d'un nom de fleur»(1)]. Et alors, quoique la littérature ne laisse d'être considérée comme une activité accessoire — ce qui n'a de typiquement féminin, on en conviendra, que son trait peut-être plus saillant—, le fait n'en demeure pourtant pas moins incontestable d'œuvres plus nombreuses et plus représentatives, attestant l'existence d'une littérature féminine haïtienne relativement riche de titres, et cela bien que n'y soit pas toujours nécessairement présente, ainsi que le remarque judicieusement Maryse Condé, une thématique féminine propre.
De cette période, certains noms sont à retenir:
Ida Faubert (1883-1969) dont l'œuvre, publiée principalement en France où elle a résidé dès l'âge de 6 ans n'est pas moins reconnue haïtienne et appropriée par nos critiques;
Cléante Desgraves Valcin (2) (1891-1956) Fleurs et Pleurs (1924) et ses deux romans Cruelle destinée (1929) et La blanche négresse (1934),
Annie Desroy, pseudonyme d'Anne-Marie Lerebours Bourand (1893 - 1948), qui publie Et l'amour vint (1921), La cendre du passé. (1931) et Le joug en 1934;
Denyse Roy (1908-74) qu'on se plaît à signaler comme première femme à la rédaction, dès sa création, de la revue littéraire La Relève mais pour déplorer aussitôt le passage trop court dans la littérature d'un talent tout au début affirmé dans ses écrits et ses contes (1933-36)...
Ce n'est pas moins dans la génération suivante cependant, malgré un engagement caractéristique qui semble détourner de la création et absorber les écrits, que se feront jour des œuvres d'une facture plus achevée. L'une de ses représentantes, Marie-Thérèse Colimon, arrive à s'aménager une vie littéraire assez régulière quoique, de son propre avis, d'une productivité toute relative. D'un autre côté, on voit une contemporaine Marie Chauvet, bouder crânement tout regroupement et récolter d'un entêtement passionné ce titre jusque-là non détrôné de plus grande romancière haïtienne. Plus tard, Mona Guérin réussira le tour de force de mener de front et avec une même ardeur deux carrières également riches et fructueuses de dramaturge et d'enseignant. Enfin, après nous avoir été révélées par le Prix Deschamps(3) (1980, 1981) des écrivains comme Paulette Poujol Oriol et Madeleine Gardiner portent haut un feu que, bien plus près de nous, donnant la main à ces courageuses aînées, Yanick Jean, J.J. Dominique, Yanick Lahens..., semblent s'atteler à faire briller vers d'autres perspectives.
(1) Femmes Haïtiennes, op.cit.
(2) Cléante Desgraves Valcin se manifestera activement dans les grands moments de la Ligue féminine d'action sociale dont elle assurera la présidence en 1950.
(3) Pendant ses vingt ans de fonctionnement (1975-1995), six femmes seulement se sont vues décerné le Prix Littéraire Henri Deschamps: Alice Hyppolite (1976 pour Ninon ma sœur), Paulette Poujol Oriol (1980 pour Le Creuset), Madeleine Gardiner (1981 pour Visages de femmes, Portraits d'écrivains), J.J. Dominique (1984 pour Mémoires d'une amnésique), Marie Chauvet (titre posthume pour Amour Colère Folie) et Cuckita Bellande (1995 pour Porte-Sauveur).

Marie Chauvet
1917 - 1975
La documentation sur ces décennies toutes de fertilité s'ouvrant sur les années cinquante fait défiler des femmes, (et pas peu nombreuses) se partageant le mérite d'ouvrir, chacune dans leur champ propre, une brèche initiatrice et grosse de retombées. Surpris sommes-nous donc, de devoir y chercher à deux fois et presque vainement sinon les traces de l'écrivain remarquable qu'est Marie Chauvet, tout au moins les signes avant-coureurs de ces titres de noblesse qu'elle va se voir comme naturellement octroyer dans nos lettres.
A remonter, par contre, ces quelque quarante années qui précéderont l'appréciation par le public de ce qu'elle a dû considérer comme ses premières vraies productions littéraires, on s'étonne, il faut dire, un peu moins de ce «vide». Déjà jeune adolescente à l'allure un peu ingrate, Marie sort du lot en surmontant crânement les violentes moqueries d'un entourage familial étonné au plus haut point de l'entendre clamer à tout-venant ne se destiner qu'au métier d'écrivain. Après son brevet élémentaire, qu'elle termine en 1933 à l'Annexe de l'Ecole Normale d'institutrices, elle se découvrira déjà les seize ans d'une jeune fille assez sûre de son fait pour refuser cette route «initiatrice» des bonnes œuvres. Bien plus tard, la jeune femme d'un charme et d'une beauté avérés qu'elle deviendra ne se comptera pas non plus parmi les engagées pour la cause féminine ou dans les âpres luttes politiques défrayant alors l'actualité. Il se trouve que Marie Vieux avait également cette autre certitude qu'elle ne tenait non plus cachée de quiconque: la phobie de toute forme d'association qui pour elle ne pouvait amener qu'à l'exécrable enregimentement.
Marie sera donc de ces femmes qui resteront chez elles. De toutes les voies qui s'offriront, elle prendra celle retirée et ardue de la création littéraire, la seule activité qu'on lui ait en effet vraiment connue. Perfectionniste, toute sa vie, faisant de ses enfants ses premiers lecteurs, elle passera ses journées occupée à ces pages qui ne seront livrées au public que bien plus tard. En 1947, à la faveur des festivités commémoratives du Bicentenaire de Port-au-Prince, elle crée deux pièces chaudement applaudies — dont elle est par ailleurs sur scène l'une des interprètes — mais pas moins considérée par elle comme des œuvrettes. On lui connaît aussi ces moments de grande exhubérance quand arrivait, le dimanche, l'heure de recevoir ses jeunes amis écrivains d'Haïti Littéraire. Là encore, loin de toute mondanité, tout le pétillement résidait dans l'attente de ces moments de lecture du dernier poème d'Anthony Phelps, de la dernière page de René Philoctète, de Morisseau ou de Legagneur.
Autour des années 60, Marie Chauvet a déjà fait connaître trois de ses romans dont l'inoubliable Danse sur le Volcan, et il n'y a pas eu que la prestigieuse facture de leur publication par des éditions étrangères pour la confirmer comme première romancière haïtienne. Au fil d'un travail passionné, cette maturité tant attendue se faisant jour en elle, Marie se sent plus maîtresse de son style, plus proche d'une exigence qu'elle s'est toujours faite et quand elle quitte Haïti, elle a dans ces bagages ce manuscrit déjà présenté aux Editions Gallimard et dont elle semble attendre la consécration. Tout laisse alors présumer qu'elle deviendrait bientôt un écrivain célèbre et certains de ses proches soupconnent même la parution prochaine de Amour, Colère, Folie d'être le motif de son départ.
Peu après en effet (nous sommes en 1968), Amour, Colère, Folie est édité. Quel œil «amical» a réussi à s'y poser avant même sa mise en vente? Toujours est-il qu'il en informera prestement Pierre Chauvet, son mari demeuré en Haïti, en lui enjoignant à l'occasion de prendre garde aux retombées d'un roman dont risquait fort de prendre ombrage un gouvernement définitivement en mal de popularité. Marie, se voyant alors évoquer par son époux, les conséquences probables de la sortie de son ouvrage pour les membres de sa famille, est contrainte de prendre la décision suicidaire de surseoir au lancement de l'ouvrage et d'en racheter à Gallimard le stock intégral déjà imprimé. Lu alors sous le manteau par quelques intimes, Amour, Colère, Folie attendra la mort de son auteur pour être honoré par la critique et prendre rang parmi les œuvres majeures de notre Littérature.
Est-il besoin de le signaler? Marie Chauvet n'en reviendra pas. Une de ses filles nous en a fait l'aveu: «De ce jour, elle n'a plus jamais été la même... Elle a toujours dit qu'elle mourrait de cancer mais je crois que c'est à partir de cette époque qu'elle s'est laissée prendre par le mal.» Marie-Chauvet est morte peu d'années après à New-York d'un cancer du cerveau.
Œuvres:
1947: La Légende des Fleurs, fantaisie poétique et Samba, pièce historique.
1953: Filles d'Haïti (Editions Fasquelle; Prix de l'Alliance francaise 1953)
1957: La Danse sur le Volcan (traduit en anglais, en américain et en hollandais. Edité par la maison d'édition francaise Plon)
1961: Fonds-des-Nègres (Couronné à Paris du prix France-Antilles)
1968: Amour, Colère, Folie (Edité par Gallimard)
1970: Les Rapaces, prix littéraire posthume Henri-Deschamps.
* Tiré de nos entrevues avec Régine Charlier, fille de Marie Chauvet, et avec Madeleine Paillère.

Marie-Thérèse Colimon-Hall
1918 - 1997
J'ai commencé à produire très jeune. (...) toute ma vie a été remplie de littérature. Ce fut pour moi une passion dévorante dès ma plus tendre enfance, plus précisément dès l'âge de dix ans. Je publiais même à cette époque une petite revue que j'écrivais en entier, que j'illustrais moi-même en couleur, dont je cousais les pages et que je distribuais à mes frères, sœurs, amies et camarades. Il faut avouer que mes parents me soutenaient dans ma vocation, j'étais très bien entourée et je lisais énormément»(1). Un souci de commodité imposant malheureusement, au fil de la présentation de ces portraits, un certain classement, nous serions, à vouloir caser Mme Colimon-Hall, dans le plus grand embarras, si d'elle-même, elle ne nous avait ainsi aiguillée sur son parcours aux multiples facettes.
En Marie-Thérèse Colimon-Hall, il faut d'abord reconnaître une éducatrice dont, depuis ses premiers cours à l'Ecole Smith Duplessis, ne s'est jamais démentie une certaine fidélité à l'enseignement, marquée qu'elle sera, entre autres, par la fondation et l'animation de l'Ecole normale des jardinières d'enfant, son enseignement des lettres au Collège Colimon Boisson et la publication de ses cours de Littérature française et d'Histoire. On saluera avec un égal enthousiasme une féministe dont le plaidoyer pour l'émancipation de la jeune fille au Congrès National des Femmes haïtiennes (avril 1950) de La Ligue féminine d'action sociale, (ligue dont elle assurera plus tard la présidence de 1960 à 1971) témoigne aujourd'hui encore, à la seule lecture, d'une passion et d'une conviction dignes d'admiration. On retrouve enfin la femme publique, animatrice de causeries, conférences..., rédactrice, collaboratrice de nombre de revues notamment Optique, la voix des femmes, l'UNIH (revue des instituteurs haïtiens), Le Nouvelliste, Haïti Journal (chronique hebdomadaire sur l'enfance malheureuse) dont la justesse des propos, étayée lucidement d'une sérieuse documentation, ne laisse d'en imposer.
Sans nul doute Marie-Thérèse Colimon-Hall aurait-t-elle souhaité que nous nous attardions beaucoup plus sur cet autre visage d'elle-même, plus intime, beaucoup plus personnel, en dépit de l'esprit d'engagement dont il semble, par endroits, animé, celui de la femme de lettres à qui la littérature haïtienne de fiction et d'essai devra des poèmes, des textes de réflexion divers, nombre de pièces de théâtre à caractère religieux ou historique, des romans inédits... jusqu'aux poèmes à dire et chansons pour enfants mises en musique par Angel Mendez. Surmontant cette solitude où se retrouve forcément quiconque en Haïti s'adonne passionnément aux lettres et les difficultés attachées au monde de la publication et de l'édition, Marie-Thérèse Colimon-Hall, soutenue sans doute par la confiance des mots, vraie passion de sa vie, se fera un devoir de continuer à écrire, signant longtemps ses œuvres du pseudonyme de Marie Bec et attendant patiemment quinze années durant de pouvoir sortir son maître roman, Fils de misère, déjà achevé dans les années 60.
Mme Colimon Hall a été membre du Jury du prix littéraire Henri-Deschamps depuis sa création en 1975.
Productions:
1949: La Fille de l'esclave, théâtre
1955: Marie-Claire Heureuse, théâtre
Bernadette Soubirous, théâtre
Mes Cahiers d'écriture, receuil de poèmes
1975: Fils de misère, roman,
couronné la même année par le prix littéraire France-Haïti.
1980: Le Chant des Sirènes, receuil de nouvelles
(1) Marie Thérèse Colimon sans ombres dans Haïti Littéraire et Artistique, no3
Paulette Poujol-Oriol
1926
«Ma vie s'articule autour de quatre volets:
la mère, la grand'mère, l'écrivain, la Ligue féminine.
Il y a aussi la musicologue».
Affable et débordante d'une contagieuse vitalité, Paulette Poujol-Oriol est une de ces femmes que l'on prend un réel plaisir à entendre tout de go avancer, n'avoir connu aucune difficulté à vivre pleinement sa vie de femme. Plutôt rare un tel aveu et définitivement surprenant quand, loin de laisser supposer l'avoir gagné au prix d'une âpre lutte contre ces discriminations de tous ordres dont se voit hérissé ordinairement un parcours de femme, viendra l'affirmation tout aussi spontanée de le devoir à deux hommes exceptionnels: Joseph Poujol, son père et enfin, confidence agréable, Marc Oriol, un époux qui, à ses yeux, ne fera pas moins, dans un deuxième temps, qu'égaler son père en considération. De tant d'amour et de tolérance, Paulette Poujol-Oriol tirera la force de se multiplier jusqu'à couvrir presque allègrement ces lieues qui nous amènent aujourd'hui un visage et un nom familiers.
Quand après ses études à l'Ecole Normale d'Institutrice, elle se retrouve à 18 ans, au sortir de l'Institute of Commerce of London de la Jamaïque, collaboratrice attitrée de son grand-père dans la gestion de l'entreprise familiale, Paulette aurait pu se croire tracé un avenir dans les affaires, si la mémoire d'une fillette à qui «son père faisait lire Voltaire à l'âge où les petites filles lisent Delly», n'était restée vivace. En effet, mordue du culturel, il se dessine très tôt chez elle un intérêt manifeste pour le théâtre et en 1949, c'est une membre à part entière de la SNAD (Société Nationale d'Art Dramatique) qui fait ses débuts sur les planches du Rex Théâtre. Mais, il y aura aussi l'appel de l'enseignement qui l'amène dans un premier temps à dispenser des cours de langue puis plus tard des cours d'art dramatique, au Collège Saint-Francois d'Assise pendant près de 14 ans, à l'Ecole Nationale des Arts (ENARTS) où de 1983 à 1991, elle est directrice des Etudes et aujourd'hui au Piccolo Teatro, école d'art dramatique dont elle est directrice-fondatrice. Cet intérêt nourri lui vaudra de recevoir le 8 avril 1992, la distinction Honneur et Mérite de l'Université d'Etat «pour sa contribution au développement de l'Université et à l'Education de la jeunesse haïtienne», diplôme auquel suivra celui très honorable de «grande personnalité du théâtre haïtien» décerné par le Centre haïtien de l'Institut international du théâtre-Unesco.
En Paulette Poujol-Oriol, il y a aussi une femme d'action, polyvalente dont la publication régulière dans nos quotidiens d'articles ayant trait à la Constitution, entre autres, revèle un intérêt particulier pour ces débats d'importance agitant l'heure. Témoin d'un tribut considérable à l'avancement de la cause féminine ce relevé significatif des organisations au développement desquelles elle n'a laissé de contribuer. Membre du Cador (Le Club de l'Age d'Or), membre fondateur du Club des femmes de carrière libérale et commerciale et de la toute récente AFHA, l'Alliance des Femmes Haïtiennes (1994) qui a coordonné l'action de près d'une cinquantaine d'organisations féminines, elle est depuis 1987, présidente de la Ligue Feminine d'Action Sociale dont elle est membre depuis 1950.
A d'autres, il viendra plus volontiers de Paulette l'image de cette animatrice avertie d'une émission radiophonique de musique classique qu'elle n'a laissé de mener dans une optique éducative. Et celle tout aussi heureuse de la littéraire. Deuxième femme à recevoir en 1980 pour son roman, Le Creuset(1), le prix littéraire Henri Deschamps (dont elle a rejoint le Jury en 1996), une des nouvelles, La Fleur Rouge, titre également de ce receuil publié en Haïti en 1992, sera primée sur 2000 participants de 78 pays au onzième concours de la meilleure nouvelle de langue francaise organisé par le périodique Le Monde en 1988. C'est dire, en peu de mots, l'attachement et la fidélité de cette bouillonnante femme aux sources dont elle a toujours été abreuvée : la culture.
Productions:
- Le Creuset, roman, Editions Deschamps,1980; Prix Deschamps, 1980.
- La Fleur Rouge, receuil de nouvelles, 1992.
- Le Passage, roman, 1996.
- Trou- Soleil, Théâtre, en édition.
Basé sur l'entrevue de Paulette P.Oriol par Anaïse Chavenet et J. C-Narcisse (sept.95)
(1) La première femme à avoir eu le Deschamps a été Alice Hyppolite pour son roman Ninon ma sœur.

Mona Guérin
1934
Devant son étonnant parcours dans le monde du théâtre et de l'animation radiophoniques, une question se forme toujours, irrépressible et imposante : Pourquoi un tel attachement au nom de Mona Guérin? Question intéressante, dirait-on, mais dont ne trahissent pas moins le caractère superflu, la rencontre de ses yeux tout de malice à l'abri d'épaisses lunettes d'écaille, l'emprise de cette bonhommie qui tout entière l'habite et qui, à tout instant semble se contracter dans ce sourire enjoué sillonnant les moindres replis de son visage.
On aurait voulu s'étendre sur l'éducatrice assidue qu'elle a été, mais en dépit de ses quinze années d'enseignement, son curriculum vitae inscrit à la rubrique profession — et cela se comprend : écrivain. A nos jours, Mona Guérin est en effet, l'écrivain femme, l'écrivain haïtien devrait-on dire, dont la présence dans nos lettres est, sans aucun doute, la plus constante. Très tôt, elle s'est intéressée à l'écriture et dans une quête proche du goût de l'époque, se laissera aller dans son adolescence «à commettre des vers» qu'à 24 ans, sur l'insistance de son entourage, elle publie dans un recueil intitulé Sur les vieux thèmes, péché de jeunesse, confie-t-elle, qui ne l'a plus tentée par la suite. En 1959, année où elle obtient cette bourse du Conseil des Arts du Canada offerte à l'Amérique latine lui permettant de suivre un cours de littérature contemporaine à l'Université d'Ottawa, un déclic semble s'opérer car c'est à partir de ces années que se mettant gaiement à l'écoute de cette multitude de voix ne laissant d'être un dialogue assidu et tentant en elle, elle entreprendra son long voyage dans le monde de l'écriture théâtrale, voyage qui nous gratifie de cette foisonnante production de pièces «à thèse», photographie du quotidien bourgeois haïtien, appréciées à mesure par le public, certaines dans des mises en scène de sa sœur Gladys Wagner et d'Alexandre Abellard.
«J'ai toujours écrit et j'écris tous les jours». On a peine à le croire mais de 1965 à 1980, Mona Guérin réussit le miracle, pour ainsi dire, de se partager entre sa vie familiale, son poste d'institutrice à l'institution primaire Au Galop, son œuvre théâtrale, et de trouver de surcroît le temps d'être d'une notable présence tant à la radio (dans des émissions de toutes sortes) à la télévision (pour des sketches) que dans nos quotidiens (pour des chroniques régulières).
Mais sa vraie passion, c'est le théâtre, «le dialogue» préfère-t-elle dire, et cette passion culminera dans une entreprise qui, pour lui avoir été en quelque sorte imposée à ses débuts, n'a pas fait moins que de l'ouvrir à un public considérable. On est en 1982 quand sur l'instante demande de Micheline Widmaier, alors directrice de Radio Métropole, Mona Guérin, quoique intérieurement soulevée par la perspective de ce nouveau défi, accepte à contre-cœur, la commande d'une pièce à épisodes à diffuser sur les ondes. On le devine aisément, naissait alors Roye les Voilà, premier feuilleton radiophonique haïtien, entièrement conçu, écrit et mis en scène par notre protagoniste. Diffusé au rythme de trois épisodes par semaine, écrits et produits à mesure, ce feuilleton est prévu pour une durée de trois mois mais il n'était pas sorti qu'il n'appartenait plus à son auteur qui, d'épuisement et de guerre lasse, n'arrivera à le clore que douze ans plus tard, en août 1994.
Pendant douze ans donc, avec une ponctualité inégalée, Mona Guérin crée et installe dans un nombre impressionnant de foyers haïtiens, 150 personnages, d'un réalisme plus coloré et crédible les uns que les autres, interprétés par près de 25 acteurs assidus dont ses deux filles (Elisabeth et Christina), Gérald et Marie Pia Alexis, Frédéric Surpris, Daniel Marcelin..., adorés, jugés, rejetés par un public qui ne demande pas mieux que le privilège de leurs déboires et exultation. Et pour qui n'avait accordé aux épisodes de ce feuilleton qu'une écoute distraite ou absente, bien vivants demeurent aujourd'hui encore des personnages tels Patrick et Annie, Grand'mère Mérien, Oscar et Tante Marguerite.
Aujourd'hui, avec cette discipline quotidienne jamais rompue et en défaut, Mona Guérin poursuit une œuvre qu'elle a toujours souhaitée éducative par la mise en relief des menus faits de notre quotidien dans une émission hebdomadaire bilingue Comment vivons-nous?, dans sa version créole An n gade ki jan n ap viv sur les ondes de Magik Stéréo.
Œuvres et productions:
1958: Sur les vieux thèmes, poésie
1961-1965: Le Coin de Cécile, chronique hebdomadaire publiée dans Le Nouvelliste
1966: L'Oiseau de ces dames, théâtre
1969: Les Cinq Chéris, théâtre
1971: La Pieuvre, théâtre
1973: Chambre 26, théâtre
1972-1982: Animation sur Radio Métropole de trois émissions dominicales: Ces dames gardent la ligne, Variations sur un mot, Jakotte et Monica.
1974: Sylvia, théâtre
1976: La Pension Vacher, théâtre
1977-1981: Ecrit pour Télé-Haïti les 150 sketches de l'émission Gala de Galerie.
1980: Mi-figue mi-raisin, nouvelles, volume I
1989: Mi-figue mi-raisin, nouvelles, volume II
1982-1994: Roye! les voilà, feuilleton radiophonique en 959 épisodes diffusé sur Radio Métropole puis sur Magik Stéréo.
1992-1994: Animation sur Magik Stéréo de l'émission spirituelle dominicale Dieu à tout moment
1995: Animation sur Magik Stéréo de l'émission éducative hebdomadaire bilingue Comment vivons-nous? / An n gade ki jan n ap viv
Distinctions:
1983: Palmes académiques du gouvernement français au grade de chevalier.
1974-1980: Sociétaire de l'Association des écrivains de langue française
1975-1986: Membre du Jury du Prix littéraire Henry-Deschamps (Port-au-Prince - Haïti)
1990\1991: Membre du Jury international au Vème Festival de la Francophonie (Evry - France)
* Basé sur notre entrevue avec Mona Guérin (septembre 1995)

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