mardi 11 novembre 2008

Mémoires des Femmes Haitiennes

Repères Chronologiques.
«Jusqu'en 1848, les lois et les arrêtés relatifs à l'enseignement n'avaient jamais fait mention d'une facon spécifique de l'instruction des jeunes filles... A partir de 1848, on commença à prendre en considération l'éducation des filles et l'arrivée des religieuses françaises en 1864 aida beaucoup au développement de l'enseignement féminin» (1)
Maurice Dartigue
Répondant comme pour les services sociaux à un besoin impérieux et fondamental auquel, tout compte fait, l'Etat semble résolument faire la sourde oreille, très tôt, se dessinera en Haïti, par le biais de l'initiative privée, un engouement tout féminin pour l'éducation, lequel en s'accroissant, tendra au fil du temps à faire de ce domaine également riche de retombées sociales, un nécessaire apanage. La liste est longue, en effet, de ces femmes qui s'y sont engagées et dont il serait injuste de ne pas retenir quelques noms:
Marie Jeanne Mazère, dame Pélagie Varin, qu'à sa mort en octobre 1817 l'Abeille haïtienne présente comme «l'une des plus anciennes institutrices de Port-au-Prince»;
Charlotte Létang-Labossière (Mme Altidor Varret), 1819-1901 qui fonda chez elle, dans la ville des Cayes, une école maternelle et primaire qu'elle dirigera toute sa vie;
Cléo Rameau, encore aux Cayes, qui prendra vers 1860 la succession de l'école de Mme Saint-Clair de Brenneville puis la direction du Pensionnat national de demoiselles des Cayes;
Marie-Rose Léodille Delaunay (Mme Belmour-Lepine), 1827 -1906, qui fonde en 1850 une école mixte et l'Institution Mont-Carmel, le meilleur établissement secondaire laïque d'Haïti qu'elle dirige de main de maître jusqu'en 1903;
Antoinette Dessalines (Antoinette Pierrot), fille adoptive de Claire-Heureuse, dont une école de filles à Saint-Marc porte encore le nom en témoignage du don total qu'elle a fait d'elle à l'enseignement;
Mme Etienne Bourand (Annie Desroy) (1891 -1957), qui nous dotera en 1934 du premier collège féminin du pays, le Centre d'Etudes Universitaires d'Haïti. Ce collège qui offre alors des cours d'anglais, d'espagnol, de sténo-dactylo, de coupe, d'art ménager, de solfège et de chant... survit très peu à sa fondation;
On peut encore citer Caroline Chauveau, Erima Guignard, Mme Lucie Paret, Célie Lilavois, Eugénie Pierre, autant de noms aujourd'hui enfouis, et qui, à une époque où l'absence d'encadrement conférait à l'enseignement une allure de défi —l'École normale n'ouvrira ses portes qu'en 1914!—, se sont distinguées, par leur engagement à faire de l'éducation un véritable sacerdoce, maintenant haut un flambeau que plus près de nous entretiendront avec une ardeur renouvelée Fortuna Guéry, Rose Lhérisson-Michel, Marie-Thérèse Colimon-Hall parmi tant d'autres.
(1) Maurice Dartigue, L'Enseignement en Haïti (1804 - 1938)
Repères chronologiques
1816: Pétion crée un Pensionnat national de demoiselles dont il confie la direction à Mme Drury, une anglaise parlant parfaitement le français qu'il fait venir de la Jamaique. Cette école aura une existence brève, Mme Drury ayant quitté le pays peu après.
1817: Ouverture du premier pensionnat mixte par M. et Mme Courtois.
1850: Réorganisation du Pensionnat national de demoiselles pour les jeunes filles de toutes les communes et création du Collège Olive pour les jeunes filles de l'aristocratie impériale.
1860: Création de nouveaux pensionnats de jeunes filles (avec extension dans les principales villes de province) ainsi que d'une cinquantaine d'écoles publiques de filles.
1864-1865: Arrivée en Haïti des congrégations des Sœurs de Saint-Joseph de Cluny et des Filles de la Sagesse qui établiront «des pensionnats pour la formation de l'élite et des écoles primaires pour les petites filles du peuple».
1880: Mme Argentine Bellegarde-Foureau est nommée directrice du Pensionnat national de demoiselles à qui elle donne une impulsion nouvelle.
1898, août: L'École de Médecine ouvre ses portes aux aspirantes au diplôme de sage-femme. Niveau académique requis: le certificat d'Études primaires.
1899 (nov): Fondation par les médecins de la Polyclinique Péan de l'École libre d'obstétrique. 15 étudiantes y sont admises la même année après avoir subi un examen d'entrée.
1914: Ouverture de l'Ecole normale d'institutrices.
1920, 5 fév: Un règlement de l'Ecole de médecine permet l'accès de la section de pharmacie aux filles.
1929: La Faculté de Droit inscrit ses premières étudiantes.
1930: Les jeunes filles sont admises à l'Ecole d'art dentaire.
1932: Parmi les 190 bacheliers d'écoles déjà prestigieuses à l'époque (Lycée Pétion, Collège Saint-Martial, Saint-Louis de Gonzague,...), on note la présence d'une jeune fille, Yolande Bénédict, élève de l'Institut Alfred-Viau. «Evénement marquant, car c'est la première fois qu'une jeune fille briguait le bac», épreuve redoutée, qu'elle subit avec succès.
1934: La Faculté de Médecine reçoit ses premières étudiantes.
1938: La réforme de l'Enseignement donne satisfaction aux féministes sur bien des points: des femmes furent placées à des postes de direction, le nombre des écoles rurales de filles fut augmenté, introduction des cours d'économie ménagère, pratique du sport rendue obligatoire dans les écoles.
1943: Ouverture à Port-au-Prince de la première Ecole secondaire des filles sous la direction de Mme René Lerebours puis d'une américaine, Miss Dorothy Kerby. Cette école deviendra le Lycée des jeunes filles (actuellement à la rue Capois).
1944, oct: Les filles sont admises à suivre les cours dans les lycées de garcons des autres villes.

http://www.youtube.com/watch?v=dmgtbPj-sF8

Mackandal

Published by TiCam- Yesterday
news Commémoration du 250e anniversaire de la mort de de Mackandal à New York
Figure emblématique de l'histoire, Mackandal est connu pour avoir passé plus de dix ans à combattre l'esclavage avec un succès éclatant. C'était un brave homme, dans toute l'acception du terme. Grand maître du poison, il avait l'art de monter des coups contre les forces colonisatrices et en faveur des masses opprimées. Le 250e anniversaire de sa mort n'a pas laissé indifférente la communauté haïtienne de NY. Regard sur l'ancêtre de la rébellion haïtienne.
« Nous placerons l'action de Mackandal dans une perspective historique. Nous ferons le point sur son leadership, sa philosophie révolutionnaire, son savoir mystique, son adresse organisationnelle, sa psychologie de masse et sa façon d'instrumentaliser la culture au service de la révolution », a averti d'entrée de jeu Dr Frantz Antoine Leconte, invité d'honneur à la commémoration du 250e anniversaire de la mort de ce combattant de la liberté.
Faisant office de spécialiste de Mackandal, M. Leconte a découvert en ce personnage, que les révisionnistes historiques disent appartenir à la légende, un révolutionnaire qui avait une révolution. Sa révolution. Tel un bilan des recherches effectuées, son argumentaire s'entend d'un trait et aboutit à une idée précise : l'action de Mackandal répondait à un besoin, voire à une nécéssité libératrice. Tout le secret de l'épopée de 1804 se trouvait là, avec sa forme dynamique et ses phénomènes incontournables les plus complexes.
« Au faîte de la pyramide sociale Saint-dominguoise se trouvaient les grands seigneurs français. Ils étaient au nombre de 1300 et façonnaient obstinément avec l'appui de quelques 5000 affranchis ; l'univers esclavagiste », a indiqué le conférencier citant justement l'historien Edner Brutus.
Au bas de l'échelle, a-t-il poursuivi, 150 000 esclaves souffraient sans jamais abandonner leur soif de la liberté. Il n'y avait pas assez des leaders d'une grande potentialité capables d'organiser une révolte générale, encore moins une révolution. Félidor, originaire du Nord, se surpassa dans ses menées subversives. Pyrrhus, un esclave, s'est révolté en détruisant des plantations, des raffineries de sucre. Il avait même réussi à interrompre le commerce de ce produit. «Ils n'utilisèrent que des couteaux contre les fusils des maîtres », souligne le professeur Leconte, avec emphase sur les pièges tendus par les esclaves rebelles contre les troupes françaises, avant de se renforcer dans le marronnage.
Patrick Bellegarde Smith, Ph. D, pour sa part, montrant l'importance des travaux réalisés sur Mackandal, a fait état de la culture originale et sensible à leurs idéaux que les Africains avaient apporté avec eux. « 1756 - 1758, les dialectes qu'ils utilisaient allaient être abandonnés au profit de la langue des maîtres : le français », indique-t-il en précisant que cette fusion, cette osmose linguistique a crée le créole : langue qui a aboli les frontières entre plusieurs groupes d'esclaves, provoquant du même coup une espèce de babélisme linguistique pour faire place au créole.
La conscience collective : facteur de cohésion et d'unité « le créole a largement contribué à la conquête de la liberté », analyse M Smith, chercheur en éducation et professeur à Brooklyn Collège. Il estime que cette langue a apporté une sorte de conscience collective et sociale, un facteur de cohésion et d'unité.
Présenté comme un musulman capable de lire et d'écrire correctement l'arabe, Mackandal était inspiré par Mohammed. Il avait un rêve de grandeur et d'indépendance. Thaumaturge, il se déclarait immortel d'autant plus qu'il fut doté d'un sens profond du surnaturel.On prétend qu'il se "dédoublait" et pouvait être vu d'un endroit à l'autre au même instant. Sa figure a comme hanté le Hunter Collège, à New York,
Cette personnalité magnétique se disait envoyée de Dieu. Sa parole était l'évangile des esclaves qui croyaient en sa mission révélatrice.
Lily Cérat, de l'HABETAC, a adopté une attitude de réflexion culturelle profonde par rapport à la place qu'occupe Mackandal dans la mémoire collective qui semble le considérer moins comme une référence historique que comme une figure mythologique, un personnage qui tient de la fiction et de la métaphysique.
« A l'occasion du mois international du créole et du 250e anniversaire de la mort de Mackandal, ce qui nous reste de repère ne saurait nous laisser indifférents. Il suscite tout à tour passion, admiration. Devoir de mémoire obligé ».
Et dire que les débats suscités par les différentes interventions ont été assez incompréhensibles pour une catégorie de gens d'une certaine génération qui n'ont pas une trop grande connaissance de l'histoire et de la culture nationale. « La philosophie qui s'est dégagée de ce truc me parait fumeuse, complexe et stérile, bonne pour les moins jeunes plutôt que pour les amateurs de remue-ménage », a laissé entendre un étudiant sous couvert de l'anonymat. La meilleure preuve du bien-fondé apparent de ce ressentiment semble être son expression par une « peau noire» (pour reprendre une métaphore de Frantz Fanon) dont les forces autres gouvernent les pulsions par la toute puissance de l'assimilation et de l'atavisme. A moins que ce soit par une rupture de raison. Car, comme a dit l'autre, la mémoire s'écrit en fonction des intérêts du présent.
Source: Le Nouvelliste

Répères Chronologiques -Femmes Haitiennes.

http://www.haitiwebs.com/femmes/html/39.htm Publié le 07/06/08

Répères chronologiques
«Jusqu'en 1848, les lois et les arrêtés relatifs à l'enseignement n'avaient jamais fait mention d'une facon spécifique de l'instruction des jeunes filles... A partir de 1848, on commença à prendre en considération l'éducation des filles et l'arrivée des religieuses françaises en 1864 aida beaucoup au développement de l'enseignement féminin» (1)
Maurice Dartigue
Répondant comme pour les services sociaux à un besoin impérieux et fondamental auquel, tout compte fait, l'Etat semble résolument faire la sourde oreille, très tôt, se dessinera en Haïti, par le biais de l'initiative privée, un engouement tout féminin pour l'éducation, lequel en s'accroissant, tendra au fil du temps à faire de ce domaine également riche de retombées sociales, un nécessaire apanage. La liste est longue, en effet, de ces femmes qui s'y sont engagées et dont il serait injuste de ne pas retenir quelques noms:
Marie Jeanne Mazère, dame Pélagie Varin, qu'à sa mort en octobre 1817 l'Abeille haïtienne présente comme «l'une des plus anciennes institutrices de Port-au-Prince»;
Charlotte Létang-Labossière (Mme Altidor Varret), 1819-1901 qui fonda chez elle, dans la ville des Cayes, une école maternelle et primaire qu'elle dirigera toute sa vie;
Cléo Rameau, encore aux Cayes, qui prendra vers 1860 la succession de l'école de Mme Saint-Clair de Brenneville puis la direction du Pensionnat national de demoiselles des Cayes;
Marie-Rose Léodille Delaunay (Mme Belmour-Lepine), 1827 -1906, qui fonde en 1850 une école mixte et l'Institution Mont-Carmel, le meilleur établissement secondaire laïque d'Haïti qu'elle dirige de main de maître jusqu'en 1903;
Antoinette Dessalines (Antoinette Pierrot), fille adoptive de Claire-Heureuse, dont une école de filles à Saint-Marc porte encore le nom en témoignage du don total qu'elle a fait d'elle à l'enseignement;
Mme Etienne Bourand (Annie Desroy) (1891 -1957), qui nous dotera en 1934 du premier collège féminin du pays, le Centre d'Etudes Universitaires d'Haïti. Ce collège qui offre alors des cours d'anglais, d'espagnol, de sténo-dactylo, de coupe, d'art ménager, de solfège et de chant... survit très peu à sa fondation;
On peut encore citer Caroline Chauveau, Erima Guignard, Mme Lucie Paret, Célie Lilavois, Eugénie Pierre, autant de noms aujourd'hui enfouis, et qui, à une époque où l'absence d'encadrement conférait à l'enseignement une allure de défi —l'École normale n'ouvrira ses portes qu'en 1914!—, se sont distinguées, par leur engagement à faire de l'éducation un véritable sacerdoce, maintenant haut un flambeau que plus près de nous entretiendront avec une ardeur renouvelée Fortuna Guéry, Rose Lhérisson-Michel, Marie-Thérèse Colimon-Hall parmi tant d'autres.
(1) Maurice Dartigue, L'Enseignement en Haïti (1804 - 1938)
Repères chronologiques
1816: Pétion crée un Pensionnat national de demoiselles dont il confie la direction à Mme Drury, une anglaise parlant parfaitement le français qu'il fait venir de la Jamaique. Cette école aura une existence brève, Mme Drury ayant quitté le pays peu après.
1817: Ouverture du premier pensionnat mixte par M. et Mme Courtois.
1850: Réorganisation du Pensionnat national de demoiselles pour les jeunes filles de toutes les communes et création du Collège Olive pour les jeunes filles de l'aristocratie impériale.
1860: Création de nouveaux pensionnats de jeunes filles (avec extension dans les principales villes de province) ainsi que d'une cinquantaine d'écoles publiques de filles.
1864-1865: Arrivée en Haïti des congrégations des Sœurs de Saint-Joseph de Cluny et des Filles de la Sagesse qui établiront «des pensionnats pour la formation de l'élite et des écoles primaires pour les petites filles du peuple».
1880: Mme Argentine Bellegarde-Foureau est nommée directrice du Pensionnat national de demoiselles à qui elle donne une impulsion nouvelle.
1898, août: L'École de Médecine ouvre ses portes aux aspirantes au diplôme de sage-femme. Niveau académique requis: le certificat d'Études primaires.
1899 (nov): Fondation par les médecins de la Polyclinique Péan de l'École libre d'obstétrique. 15 étudiantes y sont admises la même année après avoir subi un examen d'entrée.
1914: Ouverture de l'Ecole normale d'institutrices.
1920, 5 fév: Un règlement de l'Ecole de médecine permet l'accès de la section de pharmacie aux filles.
1929: La Faculté de Droit inscrit ses premières étudiantes.
1930: Les jeunes filles sont admises à l'Ecole d'art dentaire.
1932: Parmi les 190 bacheliers d'écoles déjà prestigieuses à l'époque (Lycée Pétion, Collège Saint-Martial, Saint-Louis de Gonzague,...), on note la présence d'une jeune fille, Yolande Bénédict, élève de l'Institut Alfred-Viau. «Evénement marquant, car c'est la première fois qu'une jeune fille briguait le bac», épreuve redoutée, qu'elle subit avec succès.
1934: La Faculté de Médecine reçoit ses premières étudiantes.
1938: La réforme de l'Enseignement donne satisfaction aux féministes sur bien des points: des femmes furent placées à des postes de direction, le nombre des écoles rurales de filles fut augmenté, introduction des cours d'économie ménagère, pratique du sport rendue obligatoire dans les écoles.
1943: Ouverture à Port-au-Prince de la première Ecole secondaire des filles sous la direction de Mme René Lerebours puis d'une américaine, Miss Dorothy Kerby. Cette école deviendra le Lycée des jeunes filles (actuellement à la rue Capois).
1944, oct: Les filles sont admises à suivre les cours dans les lycées de garcons des autres villes.

Littérature de Femmes Haitiennes

Littérature de femmes
L'absence totale de femme, dans ces foulées initiatrices des lettres qui verront, sous le vocable de pionniers, la consécration de certains noms d'écrivains, force au constat, dans ce domaine également, d'une entrée féminine quelque peu tardive. Il ne faudra pas moins la deuxième moitié du premier siècle de notre histoire, en effet, pour que, du plus patent anonymat, émergent faiblement, presque miraculeusement, dirions-nous, deux noms appelés, dans le souci tout compréhensible de combler un vide aussi effroyable, à se disputer chez les critiques le titre enviable de précurseur.
D'abord Fine Faubert (fille de Joute Lachenais et de Marc-Joseph Laraque). Son œuvre, unique dans ce genre assez rare dans la littérature, le genre épistolaire, et à laquelle les critiques s'accorderont à reconnaître une certaine valeur artistique, se ramène essentiellement à la compilation posthume de lettres touchantes adressées à Pierre Faubert, son mari et d'autant plus enflammées qu'il s'agit d'épanchements intimes que l'auteur n'entendait nullement partager avec un public.
Plus tard, Virginie Sampeur (1839 - 1919) connue surtout par ces vers devenus célèbres de L'Abandonnée inspirés par la blessure et le désarroi infligés par son très court mariage avec Oswald Durand. Taquinant déjà la muse à l'âge de 17 ans, Virginie Sampeur aurait également publié ses premiers vers dans diverses revues et laissé une biographie inédite d'Angèle Dufour. Son passage remarqué à la direction du Pensionnat National des demoiselles de 1901 à 1909 n'a pas non plus manqué d'être signalé toutes les fois qu'on se rappelait les entreprises méritoires de femmes haïtiennes.
Il faudra attendre les années 1900 pour que, sous des pseudonymes la plupart du temps, se laissent apprécier, dans la poésie que aussi bien dans la prose, des tentatives féminines plus nourries [«La Ronde (1901) et Haïti Littéraire et Scientifique(1905), se vantent d'avoir plusieurs collaborations féminines mais presque toutes anonymes, signées d'un prénom ou d'un nom de fleur»(1)]. Et alors, quoique la littérature ne laisse d'être considérée comme une activité accessoire — ce qui n'a de typiquement féminin, on en conviendra, que son trait peut-être plus saillant—, le fait n'en demeure pourtant pas moins incontestable d'œuvres plus nombreuses et plus représentatives, attestant l'existence d'une littérature féminine haïtienne relativement riche de titres, et cela bien que n'y soit pas toujours nécessairement présente, ainsi que le remarque judicieusement Maryse Condé, une thématique féminine propre.
De cette période, certains noms sont à retenir:
Ida Faubert (1883-1969) dont l'œuvre, publiée principalement en France où elle a résidé dès l'âge de 6 ans n'est pas moins reconnue haïtienne et appropriée par nos critiques;
Cléante Desgraves Valcin (2) (1891-1956) Fleurs et Pleurs (1924) et ses deux romans Cruelle destinée (1929) et La blanche négresse (1934),
Annie Desroy, pseudonyme d'Anne-Marie Lerebours Bourand (1893 - 1948), qui publie Et l'amour vint (1921), La cendre du passé. (1931) et Le joug en 1934;
Denyse Roy (1908-74) qu'on se plaît à signaler comme première femme à la rédaction, dès sa création, de la revue littéraire La Relève mais pour déplorer aussitôt le passage trop court dans la littérature d'un talent tout au début affirmé dans ses écrits et ses contes (1933-36)...
Ce n'est pas moins dans la génération suivante cependant, malgré un engagement caractéristique qui semble détourner de la création et absorber les écrits, que se feront jour des œuvres d'une facture plus achevée. L'une de ses représentantes, Marie-Thérèse Colimon, arrive à s'aménager une vie littéraire assez régulière quoique, de son propre avis, d'une productivité toute relative. D'un autre côté, on voit une contemporaine Marie Chauvet, bouder crânement tout regroupement et récolter d'un entêtement passionné ce titre jusque-là non détrôné de plus grande romancière haïtienne. Plus tard, Mona Guérin réussira le tour de force de mener de front et avec une même ardeur deux carrières également riches et fructueuses de dramaturge et d'enseignant. Enfin, après nous avoir été révélées par le Prix Deschamps(3) (1980, 1981) des écrivains comme Paulette Poujol Oriol et Madeleine Gardiner portent haut un feu que, bien plus près de nous, donnant la main à ces courageuses aînées, Yanick Jean, J.J. Dominique, Yanick Lahens..., semblent s'atteler à faire briller vers d'autres perspectives.
(1) Femmes Haïtiennes, op.cit.
(2) Cléante Desgraves Valcin se manifestera activement dans les grands moments de la Ligue féminine d'action sociale dont elle assurera la présidence en 1950.
(3) Pendant ses vingt ans de fonctionnement (1975-1995), six femmes seulement se sont vues décerné le Prix Littéraire Henri Deschamps: Alice Hyppolite (1976 pour Ninon ma sœur), Paulette Poujol Oriol (1980 pour Le Creuset), Madeleine Gardiner (1981 pour Visages de femmes, Portraits d'écrivains), J.J. Dominique (1984 pour Mémoires d'une amnésique), Marie Chauvet (titre posthume pour Amour Colère Folie) et Cuckita Bellande (1995 pour Porte-Sauveur).

Marie Chauvet
1917 - 1975
La documentation sur ces décennies toutes de fertilité s'ouvrant sur les années cinquante fait défiler des femmes, (et pas peu nombreuses) se partageant le mérite d'ouvrir, chacune dans leur champ propre, une brèche initiatrice et grosse de retombées. Surpris sommes-nous donc, de devoir y chercher à deux fois et presque vainement sinon les traces de l'écrivain remarquable qu'est Marie Chauvet, tout au moins les signes avant-coureurs de ces titres de noblesse qu'elle va se voir comme naturellement octroyer dans nos lettres.
A remonter, par contre, ces quelque quarante années qui précéderont l'appréciation par le public de ce qu'elle a dû considérer comme ses premières vraies productions littéraires, on s'étonne, il faut dire, un peu moins de ce «vide». Déjà jeune adolescente à l'allure un peu ingrate, Marie sort du lot en surmontant crânement les violentes moqueries d'un entourage familial étonné au plus haut point de l'entendre clamer à tout-venant ne se destiner qu'au métier d'écrivain. Après son brevet élémentaire, qu'elle termine en 1933 à l'Annexe de l'Ecole Normale d'institutrices, elle se découvrira déjà les seize ans d'une jeune fille assez sûre de son fait pour refuser cette route «initiatrice» des bonnes œuvres. Bien plus tard, la jeune femme d'un charme et d'une beauté avérés qu'elle deviendra ne se comptera pas non plus parmi les engagées pour la cause féminine ou dans les âpres luttes politiques défrayant alors l'actualité. Il se trouve que Marie Vieux avait également cette autre certitude qu'elle ne tenait non plus cachée de quiconque: la phobie de toute forme d'association qui pour elle ne pouvait amener qu'à l'exécrable enregimentement.
Marie sera donc de ces femmes qui resteront chez elles. De toutes les voies qui s'offriront, elle prendra celle retirée et ardue de la création littéraire, la seule activité qu'on lui ait en effet vraiment connue. Perfectionniste, toute sa vie, faisant de ses enfants ses premiers lecteurs, elle passera ses journées occupée à ces pages qui ne seront livrées au public que bien plus tard. En 1947, à la faveur des festivités commémoratives du Bicentenaire de Port-au-Prince, elle crée deux pièces chaudement applaudies — dont elle est par ailleurs sur scène l'une des interprètes — mais pas moins considérée par elle comme des œuvrettes. On lui connaît aussi ces moments de grande exhubérance quand arrivait, le dimanche, l'heure de recevoir ses jeunes amis écrivains d'Haïti Littéraire. Là encore, loin de toute mondanité, tout le pétillement résidait dans l'attente de ces moments de lecture du dernier poème d'Anthony Phelps, de la dernière page de René Philoctète, de Morisseau ou de Legagneur.
Autour des années 60, Marie Chauvet a déjà fait connaître trois de ses romans dont l'inoubliable Danse sur le Volcan, et il n'y a pas eu que la prestigieuse facture de leur publication par des éditions étrangères pour la confirmer comme première romancière haïtienne. Au fil d'un travail passionné, cette maturité tant attendue se faisant jour en elle, Marie se sent plus maîtresse de son style, plus proche d'une exigence qu'elle s'est toujours faite et quand elle quitte Haïti, elle a dans ces bagages ce manuscrit déjà présenté aux Editions Gallimard et dont elle semble attendre la consécration. Tout laisse alors présumer qu'elle deviendrait bientôt un écrivain célèbre et certains de ses proches soupconnent même la parution prochaine de Amour, Colère, Folie d'être le motif de son départ.
Peu après en effet (nous sommes en 1968), Amour, Colère, Folie est édité. Quel œil «amical» a réussi à s'y poser avant même sa mise en vente? Toujours est-il qu'il en informera prestement Pierre Chauvet, son mari demeuré en Haïti, en lui enjoignant à l'occasion de prendre garde aux retombées d'un roman dont risquait fort de prendre ombrage un gouvernement définitivement en mal de popularité. Marie, se voyant alors évoquer par son époux, les conséquences probables de la sortie de son ouvrage pour les membres de sa famille, est contrainte de prendre la décision suicidaire de surseoir au lancement de l'ouvrage et d'en racheter à Gallimard le stock intégral déjà imprimé. Lu alors sous le manteau par quelques intimes, Amour, Colère, Folie attendra la mort de son auteur pour être honoré par la critique et prendre rang parmi les œuvres majeures de notre Littérature.
Est-il besoin de le signaler? Marie Chauvet n'en reviendra pas. Une de ses filles nous en a fait l'aveu: «De ce jour, elle n'a plus jamais été la même... Elle a toujours dit qu'elle mourrait de cancer mais je crois que c'est à partir de cette époque qu'elle s'est laissée prendre par le mal.» Marie-Chauvet est morte peu d'années après à New-York d'un cancer du cerveau.
Œuvres:
1947: La Légende des Fleurs, fantaisie poétique et Samba, pièce historique.
1953: Filles d'Haïti (Editions Fasquelle; Prix de l'Alliance francaise 1953)
1957: La Danse sur le Volcan (traduit en anglais, en américain et en hollandais. Edité par la maison d'édition francaise Plon)
1961: Fonds-des-Nègres (Couronné à Paris du prix France-Antilles)
1968: Amour, Colère, Folie (Edité par Gallimard)
1970: Les Rapaces, prix littéraire posthume Henri-Deschamps.
* Tiré de nos entrevues avec Régine Charlier, fille de Marie Chauvet, et avec Madeleine Paillère.

Marie-Thérèse Colimon-Hall
1918 - 1997
J'ai commencé à produire très jeune. (...) toute ma vie a été remplie de littérature. Ce fut pour moi une passion dévorante dès ma plus tendre enfance, plus précisément dès l'âge de dix ans. Je publiais même à cette époque une petite revue que j'écrivais en entier, que j'illustrais moi-même en couleur, dont je cousais les pages et que je distribuais à mes frères, sœurs, amies et camarades. Il faut avouer que mes parents me soutenaient dans ma vocation, j'étais très bien entourée et je lisais énormément»(1). Un souci de commodité imposant malheureusement, au fil de la présentation de ces portraits, un certain classement, nous serions, à vouloir caser Mme Colimon-Hall, dans le plus grand embarras, si d'elle-même, elle ne nous avait ainsi aiguillée sur son parcours aux multiples facettes.
En Marie-Thérèse Colimon-Hall, il faut d'abord reconnaître une éducatrice dont, depuis ses premiers cours à l'Ecole Smith Duplessis, ne s'est jamais démentie une certaine fidélité à l'enseignement, marquée qu'elle sera, entre autres, par la fondation et l'animation de l'Ecole normale des jardinières d'enfant, son enseignement des lettres au Collège Colimon Boisson et la publication de ses cours de Littérature française et d'Histoire. On saluera avec un égal enthousiasme une féministe dont le plaidoyer pour l'émancipation de la jeune fille au Congrès National des Femmes haïtiennes (avril 1950) de La Ligue féminine d'action sociale, (ligue dont elle assurera plus tard la présidence de 1960 à 1971) témoigne aujourd'hui encore, à la seule lecture, d'une passion et d'une conviction dignes d'admiration. On retrouve enfin la femme publique, animatrice de causeries, conférences..., rédactrice, collaboratrice de nombre de revues notamment Optique, la voix des femmes, l'UNIH (revue des instituteurs haïtiens), Le Nouvelliste, Haïti Journal (chronique hebdomadaire sur l'enfance malheureuse) dont la justesse des propos, étayée lucidement d'une sérieuse documentation, ne laisse d'en imposer.
Sans nul doute Marie-Thérèse Colimon-Hall aurait-t-elle souhaité que nous nous attardions beaucoup plus sur cet autre visage d'elle-même, plus intime, beaucoup plus personnel, en dépit de l'esprit d'engagement dont il semble, par endroits, animé, celui de la femme de lettres à qui la littérature haïtienne de fiction et d'essai devra des poèmes, des textes de réflexion divers, nombre de pièces de théâtre à caractère religieux ou historique, des romans inédits... jusqu'aux poèmes à dire et chansons pour enfants mises en musique par Angel Mendez. Surmontant cette solitude où se retrouve forcément quiconque en Haïti s'adonne passionnément aux lettres et les difficultés attachées au monde de la publication et de l'édition, Marie-Thérèse Colimon-Hall, soutenue sans doute par la confiance des mots, vraie passion de sa vie, se fera un devoir de continuer à écrire, signant longtemps ses œuvres du pseudonyme de Marie Bec et attendant patiemment quinze années durant de pouvoir sortir son maître roman, Fils de misère, déjà achevé dans les années 60.
Mme Colimon Hall a été membre du Jury du prix littéraire Henri-Deschamps depuis sa création en 1975.
Productions:
1949: La Fille de l'esclave, théâtre
1955: Marie-Claire Heureuse, théâtre
Bernadette Soubirous, théâtre
Mes Cahiers d'écriture, receuil de poèmes
1975: Fils de misère, roman,
couronné la même année par le prix littéraire France-Haïti.
1980: Le Chant des Sirènes, receuil de nouvelles
(1) Marie Thérèse Colimon sans ombres dans Haïti Littéraire et Artistique, no3
Paulette Poujol-Oriol
1926
«Ma vie s'articule autour de quatre volets:
la mère, la grand'mère, l'écrivain, la Ligue féminine.
Il y a aussi la musicologue».
Affable et débordante d'une contagieuse vitalité, Paulette Poujol-Oriol est une de ces femmes que l'on prend un réel plaisir à entendre tout de go avancer, n'avoir connu aucune difficulté à vivre pleinement sa vie de femme. Plutôt rare un tel aveu et définitivement surprenant quand, loin de laisser supposer l'avoir gagné au prix d'une âpre lutte contre ces discriminations de tous ordres dont se voit hérissé ordinairement un parcours de femme, viendra l'affirmation tout aussi spontanée de le devoir à deux hommes exceptionnels: Joseph Poujol, son père et enfin, confidence agréable, Marc Oriol, un époux qui, à ses yeux, ne fera pas moins, dans un deuxième temps, qu'égaler son père en considération. De tant d'amour et de tolérance, Paulette Poujol-Oriol tirera la force de se multiplier jusqu'à couvrir presque allègrement ces lieues qui nous amènent aujourd'hui un visage et un nom familiers.
Quand après ses études à l'Ecole Normale d'Institutrice, elle se retrouve à 18 ans, au sortir de l'Institute of Commerce of London de la Jamaïque, collaboratrice attitrée de son grand-père dans la gestion de l'entreprise familiale, Paulette aurait pu se croire tracé un avenir dans les affaires, si la mémoire d'une fillette à qui «son père faisait lire Voltaire à l'âge où les petites filles lisent Delly», n'était restée vivace. En effet, mordue du culturel, il se dessine très tôt chez elle un intérêt manifeste pour le théâtre et en 1949, c'est une membre à part entière de la SNAD (Société Nationale d'Art Dramatique) qui fait ses débuts sur les planches du Rex Théâtre. Mais, il y aura aussi l'appel de l'enseignement qui l'amène dans un premier temps à dispenser des cours de langue puis plus tard des cours d'art dramatique, au Collège Saint-Francois d'Assise pendant près de 14 ans, à l'Ecole Nationale des Arts (ENARTS) où de 1983 à 1991, elle est directrice des Etudes et aujourd'hui au Piccolo Teatro, école d'art dramatique dont elle est directrice-fondatrice. Cet intérêt nourri lui vaudra de recevoir le 8 avril 1992, la distinction Honneur et Mérite de l'Université d'Etat «pour sa contribution au développement de l'Université et à l'Education de la jeunesse haïtienne», diplôme auquel suivra celui très honorable de «grande personnalité du théâtre haïtien» décerné par le Centre haïtien de l'Institut international du théâtre-Unesco.
En Paulette Poujol-Oriol, il y a aussi une femme d'action, polyvalente dont la publication régulière dans nos quotidiens d'articles ayant trait à la Constitution, entre autres, revèle un intérêt particulier pour ces débats d'importance agitant l'heure. Témoin d'un tribut considérable à l'avancement de la cause féminine ce relevé significatif des organisations au développement desquelles elle n'a laissé de contribuer. Membre du Cador (Le Club de l'Age d'Or), membre fondateur du Club des femmes de carrière libérale et commerciale et de la toute récente AFHA, l'Alliance des Femmes Haïtiennes (1994) qui a coordonné l'action de près d'une cinquantaine d'organisations féminines, elle est depuis 1987, présidente de la Ligue Feminine d'Action Sociale dont elle est membre depuis 1950.
A d'autres, il viendra plus volontiers de Paulette l'image de cette animatrice avertie d'une émission radiophonique de musique classique qu'elle n'a laissé de mener dans une optique éducative. Et celle tout aussi heureuse de la littéraire. Deuxième femme à recevoir en 1980 pour son roman, Le Creuset(1), le prix littéraire Henri Deschamps (dont elle a rejoint le Jury en 1996), une des nouvelles, La Fleur Rouge, titre également de ce receuil publié en Haïti en 1992, sera primée sur 2000 participants de 78 pays au onzième concours de la meilleure nouvelle de langue francaise organisé par le périodique Le Monde en 1988. C'est dire, en peu de mots, l'attachement et la fidélité de cette bouillonnante femme aux sources dont elle a toujours été abreuvée : la culture.
Productions:
- Le Creuset, roman, Editions Deschamps,1980; Prix Deschamps, 1980.
- La Fleur Rouge, receuil de nouvelles, 1992.
- Le Passage, roman, 1996.
- Trou- Soleil, Théâtre, en édition.
Basé sur l'entrevue de Paulette P.Oriol par Anaïse Chavenet et J. C-Narcisse (sept.95)
(1) La première femme à avoir eu le Deschamps a été Alice Hyppolite pour son roman Ninon ma sœur.

Mona Guérin
1934
Devant son étonnant parcours dans le monde du théâtre et de l'animation radiophoniques, une question se forme toujours, irrépressible et imposante : Pourquoi un tel attachement au nom de Mona Guérin? Question intéressante, dirait-on, mais dont ne trahissent pas moins le caractère superflu, la rencontre de ses yeux tout de malice à l'abri d'épaisses lunettes d'écaille, l'emprise de cette bonhommie qui tout entière l'habite et qui, à tout instant semble se contracter dans ce sourire enjoué sillonnant les moindres replis de son visage.
On aurait voulu s'étendre sur l'éducatrice assidue qu'elle a été, mais en dépit de ses quinze années d'enseignement, son curriculum vitae inscrit à la rubrique profession — et cela se comprend : écrivain. A nos jours, Mona Guérin est en effet, l'écrivain femme, l'écrivain haïtien devrait-on dire, dont la présence dans nos lettres est, sans aucun doute, la plus constante. Très tôt, elle s'est intéressée à l'écriture et dans une quête proche du goût de l'époque, se laissera aller dans son adolescence «à commettre des vers» qu'à 24 ans, sur l'insistance de son entourage, elle publie dans un recueil intitulé Sur les vieux thèmes, péché de jeunesse, confie-t-elle, qui ne l'a plus tentée par la suite. En 1959, année où elle obtient cette bourse du Conseil des Arts du Canada offerte à l'Amérique latine lui permettant de suivre un cours de littérature contemporaine à l'Université d'Ottawa, un déclic semble s'opérer car c'est à partir de ces années que se mettant gaiement à l'écoute de cette multitude de voix ne laissant d'être un dialogue assidu et tentant en elle, elle entreprendra son long voyage dans le monde de l'écriture théâtrale, voyage qui nous gratifie de cette foisonnante production de pièces «à thèse», photographie du quotidien bourgeois haïtien, appréciées à mesure par le public, certaines dans des mises en scène de sa sœur Gladys Wagner et d'Alexandre Abellard.
«J'ai toujours écrit et j'écris tous les jours». On a peine à le croire mais de 1965 à 1980, Mona Guérin réussit le miracle, pour ainsi dire, de se partager entre sa vie familiale, son poste d'institutrice à l'institution primaire Au Galop, son œuvre théâtrale, et de trouver de surcroît le temps d'être d'une notable présence tant à la radio (dans des émissions de toutes sortes) à la télévision (pour des sketches) que dans nos quotidiens (pour des chroniques régulières).
Mais sa vraie passion, c'est le théâtre, «le dialogue» préfère-t-elle dire, et cette passion culminera dans une entreprise qui, pour lui avoir été en quelque sorte imposée à ses débuts, n'a pas fait moins que de l'ouvrir à un public considérable. On est en 1982 quand sur l'instante demande de Micheline Widmaier, alors directrice de Radio Métropole, Mona Guérin, quoique intérieurement soulevée par la perspective de ce nouveau défi, accepte à contre-cœur, la commande d'une pièce à épisodes à diffuser sur les ondes. On le devine aisément, naissait alors Roye les Voilà, premier feuilleton radiophonique haïtien, entièrement conçu, écrit et mis en scène par notre protagoniste. Diffusé au rythme de trois épisodes par semaine, écrits et produits à mesure, ce feuilleton est prévu pour une durée de trois mois mais il n'était pas sorti qu'il n'appartenait plus à son auteur qui, d'épuisement et de guerre lasse, n'arrivera à le clore que douze ans plus tard, en août 1994.
Pendant douze ans donc, avec une ponctualité inégalée, Mona Guérin crée et installe dans un nombre impressionnant de foyers haïtiens, 150 personnages, d'un réalisme plus coloré et crédible les uns que les autres, interprétés par près de 25 acteurs assidus dont ses deux filles (Elisabeth et Christina), Gérald et Marie Pia Alexis, Frédéric Surpris, Daniel Marcelin..., adorés, jugés, rejetés par un public qui ne demande pas mieux que le privilège de leurs déboires et exultation. Et pour qui n'avait accordé aux épisodes de ce feuilleton qu'une écoute distraite ou absente, bien vivants demeurent aujourd'hui encore des personnages tels Patrick et Annie, Grand'mère Mérien, Oscar et Tante Marguerite.
Aujourd'hui, avec cette discipline quotidienne jamais rompue et en défaut, Mona Guérin poursuit une œuvre qu'elle a toujours souhaitée éducative par la mise en relief des menus faits de notre quotidien dans une émission hebdomadaire bilingue Comment vivons-nous?, dans sa version créole An n gade ki jan n ap viv sur les ondes de Magik Stéréo.
Œuvres et productions:
1958: Sur les vieux thèmes, poésie
1961-1965: Le Coin de Cécile, chronique hebdomadaire publiée dans Le Nouvelliste
1966: L'Oiseau de ces dames, théâtre
1969: Les Cinq Chéris, théâtre
1971: La Pieuvre, théâtre
1973: Chambre 26, théâtre
1972-1982: Animation sur Radio Métropole de trois émissions dominicales: Ces dames gardent la ligne, Variations sur un mot, Jakotte et Monica.
1974: Sylvia, théâtre
1976: La Pension Vacher, théâtre
1977-1981: Ecrit pour Télé-Haïti les 150 sketches de l'émission Gala de Galerie.
1980: Mi-figue mi-raisin, nouvelles, volume I
1989: Mi-figue mi-raisin, nouvelles, volume II
1982-1994: Roye! les voilà, feuilleton radiophonique en 959 épisodes diffusé sur Radio Métropole puis sur Magik Stéréo.
1992-1994: Animation sur Magik Stéréo de l'émission spirituelle dominicale Dieu à tout moment
1995: Animation sur Magik Stéréo de l'émission éducative hebdomadaire bilingue Comment vivons-nous? / An n gade ki jan n ap viv
Distinctions:
1983: Palmes académiques du gouvernement français au grade de chevalier.
1974-1980: Sociétaire de l'Association des écrivains de langue française
1975-1986: Membre du Jury du Prix littéraire Henry-Deschamps (Port-au-Prince - Haïti)
1990\1991: Membre du Jury international au Vème Festival de la Francophonie (Evry - France)
* Basé sur notre entrevue avec Mona Guérin (septembre 1995)

Nos Femmes Peintres

Nos femmes peintres
Dans ces initiatives gouvernementales, ces écoles d'Art, ces regroupements de peintres qui, de 1807 à 1930(1), voient successivement et comme laborieusement le jour en Haïti, aucune trace tangible d'un apport sinon d'une participation féminine. A croire que dans ce domaine également, au demeurant d'une vitalité jusque-là des plus précaires, les Haïtiennes, encore une fois, ne feront une entrée que mitigée, et le pied une fois dans la place, y demeureront, pour longtemps encore, d'une présence plutôt timide.
Ce n'est qu'aux environs des années 30 seulement que se révèlent au grand jour les premières toiles de peintres femmes, encore qu'il soit intéressant de signaler qu'à côté d'étrangères telles Tamara Baussan, Andrée Naudé(2), Mme Clainville Bloncourt, Hélène Schomberg... depuis peu installées dans le pays et d'un profil, disons- le, nettement plus accusé, les rares Haïtiennes à l'origine d'une initiative dans ce domaine, loin de l'esprit professionel qui règnera plus tard, seront d'un «happy few», pourrait-on dire, lequel, la plupart du temps, associe la palette uniquement au loisir. En 1931 puis en 1937, Mme Duraciné Vaval, à sa villa du Bas peu de chose, osera deux vernissages de ses toiles lesquels feront admirer ses paysages, portraits, nus, villas et scènes locales...; elle avait déjà exposé place Malesherbes à Paris. Le public des années 1932 et 1939, au Club Union d'abord puis au Cercle Port-au-Princien, est convié à apprécier les œuvres de deux groupes de femmes; de la dizaine de noms cités et qui seront au centre de l'attention, une seule, la jeune Andrée Malebranche(2), fera carrière de peintre(3).
Il faudra attendre la création du Centre d'Art, et son impulsion donnée à l'art, pour que certains traits changent dans ce paysage et s'inaugure un autre esprit. Les noms de femmes, s'ils ne se font pas nécessairement plus nombreux, trahissent une implication plus poussée, seule propice à l'éclosion d'un véritable esprit de métier. A ce titre, certaines dates méritent d'être retenues, pierres blanches d'un cheminement aux perspectives largement offertes : Le 14 mai 1944, le nom d'Andrée Malebranche figure comme seule femme haïtienne au livret de l'exposition inaugurale. Puis en août 1944, c'est une jeune adolescente haïtienne de 13 ans et demi que le Centre d'Art accueillera dans son premier vernissage, jalon d'une vie toute consacrée à l'Art : il s'agit de Marie-José Nadal, laquelle, pour avoir fait depuis ce pacte que l'on connaît avec la peinture haïtienne et s'être taillée une heureuse réputation de promotrice d'art, se passe de présentation. Fondatrice de la Galerie Marassa, instigatrice du mouvement «Les femmes-peintres», elle publie en 1986, en collaboration avec Gérald Bloncourt, une anthologie remarquée de notre peinture.(4)
Ce coup d'envoi de la «femme peintre professionnelle» donné si précocement(5), verra la naissance de ce qu'il n'est pas exagéré d'appeler des célébrités féminines. En sont une illustration ferme et vivante, Luce Turnier qui ne laisse d'en imposer par la profondeur et la multiplicité de ses œuvres, Rose-Marie Desruisseau dont la ténacité et l'audace «indigéniste» ne laissent encore d'émerveiller, et plus près de nous, révélation d'un monde où dieux et hommes se coudoient, Louisianne Saint-Fleurant, «marraine» miraculée de Saint-Soleil dont l'œuvre, véritable cri de la culture, semble tout à la fois refuge et défi au quotidien.
(1) Marie-José Nadal Gardère, Gérald Bloncourt, La Peinture haïtienne, 1986.
(2) Tamara Baussan, Andrée Naudé (enseignantes au Centre dès sa création en 1944 à côté d'Andrée Mallebranche) seront rejointes à la fin des années 50 par deux jeunes peintres haïtiennes, Marie-Josée Nadal et Michèle Manuel pour créer «L'Atelier de la Tête de l'Eau», véritable refuge et antre de fidélité à la peinture où, s'alimentant et s'enrichissant de leurs expériences et diversités multiples, elles travaillent ensemble aujourd'hui encore.
(3) G. Corvington, op.cit, 265 et suiv.
(4) Marie-José Nadal Gardère, Gérald Bloncourt, op cit
(5) Des jeunes filles seront nombreuses à suivre Luce Turnier et Marie Josée Nadal au Centre parmi lesquelles, Hilda et Clara Williams, Elzire Malebranche, Héléne Schomberg...)

Luce Turnier
1924 - 1994
Considérée par la critique haïtienne et étrangère comme notre meilleure peintre femme connue à nos jours, Luce Turnier, tout au long d'un parcours difficile mais d'une fidélité exemplaire à la peinture, semble s'être évertuée à ne rater aucune voie, aucun support qui fasse de l'Art le vrai sens de sa vie.(1)
Quand à la suite du terrible cyclône de 1937 qui ravagea le Sud, Luce, adolescente, rentre de Jacmel, sa ville natale, c'est pour se retrouver, ainsi que toute jeune fille de famille d'alors, à l'annexe de l'Ecole normale où elle poursuivra ses études supérieures jusqu'au brevet, profitant du temps de reste pour apprendre également la dactylographie et le tissage.
Jusqu'à ses 21 ans, Luce semble avoir été plus qu'hésitante sur son avenir puisque, de son propre aveu, c'est de la décision d'un frère aîné dans le plus grand désespoir de «ne rien tirer d'elle sur le plan scolaire..., professionnel» qu'elle doit de se retrouver élève au Centre d'Art, ouvert seulement une année plus tôt. Dans ce milieu artistique jusque là plûtot réservé aux hommes(2), elle saura pourtant, en dépit d'une indéniable jeunesse, trouver d'emblée ses propres moyens, et, à rebours d'un courant dominant de l'époque imposant à l'appréciation presqu'exclusive le gout naïf et primitif, s'affirmera par une peinture d'une facture étonnamment savante. Elle entre en effet au Centre par l'étage supérieur sans goûter aux affres du rez-de-chaussée où se débattent anxieusement les jeunes peintres sans réelle communication avec le haut. Et quand, en 1950, Lucien Price, Dieudonné Cédor, Roland Dorcély... révoltés contre cette distribution jugée discriminante, s'en iront fonder le Foyer des Arts Plastiques, Luce Turnier, fera le choix d'y rester fidèle.
Montrant au tout début les traits incontestables d'une artiste de talent, elle expose ses premières toiles avec Maurice Borno au Centre en 1946, puis tout naturellement au Musée d'Art moderne de Paris à l'exposition organisée par l'UNESCO. Boursière de 1951 à 1953 de la Fondation Rockefeller, de l'Institut francais puis du gouvernement haïtien, elle fera l'expérience gratifiante de l'Arts Students League de New-York, puis de La Grande Chaumière à Paris.
Surmontant le penchant avoué pour les primitifs qu'on lui reprochait, Dewitt Peters, qui, entre-temps, avait côtoyé maintes femmes ayant rejoint le Centre ou travaillant ailleurs, n'hésite pas à la présenter, déjà en 1952, comme la «principale femme peintre haïtienne». Elle réside alors à l'étranger (Canada, France...) où elle expose de temps en temps mais sans réel succès commercial puisqu'en 1967, on la verra en arriver au collage, incitée par «les rejets du bureau de secrétariat où elle assure un travail lui permettant de vivre en Europe».(3) C'est alors le point de départ de la grande aventure artistique tout originale de Luce dont la peinture affranchie de plus en plus du cadre des toiles et s'efforcant d'aborder aux rives d'autres supports, éclatera et prendra pied sur tout ce qui se présentera: masques de carnaval, panneaux décoratifs, papier, tôle, mannequins... Et on n'a sûrement pas tort de présenter cette dernière éclosion de Luce Turnier comme étant la porte ouverte à la complicité du profane sur ce grand Art qui fut la passion de toute sa vie. Elle mourra à Paris, le 22 avril 1994, d'un cancer généralisé.
Expositions:
De 1946 à sa mort, l'œuvre de Luce Turnier a été exposée en Haïti, à Hambourg (Allemagne), à Paris, à Washington, etc. Elle a figuré à toutes les expositions de femmes-peintres et du Centre d'Art.
(1) Elle est mentionnée dans le Petit Larousse de l'Art parmi les plus grands artistes de son pays.
(2) «...le Centre, lieu de rencontre de tous les grands talents du pays, avait à l'époque mauvaise presse et les femmes, membres de cette institution, voyaient leur réputation souillée par le simple fait qu'elles voulaient faire carrière dans un milieu d'hommes, pas tous d'origine sociale «acceptable», des hommes dont la «moralité», pour la bonne société d'alors, était douteuse» G. Alexis, La Rencontre des Trois mondes, p10.
(3) Marie-Alice Théard, Le Nouvelliste, 10-12 mai 1994. Luce aurait affirmé n'avoir commencé à vivre de sa peinture qu'en 1977.

Rose-Marie Desruisseau
1933 - 1988
Une longue et inlassable quête, un parcours sans répit dans l'indéfinissable: tel veut se laisser voir le court passage de Rose-Marie Desruisseau dans la peinture haïtienne. Elle a peint avec acharnement toute sa vie et le public, pour la majorité non averti, qui s'est émerveillé à ses multiples vernissages, n'aura le loisir de la toucher de plus près qu'à l'occasion de l'exposition posthume à Paris de son œuvre historique en commémoration du cinq-centième anniversaire de la découverte d'Haïti par Christophe Colomb.
Un de nos rares peintres à bénéficier d'une monographie(1), Rose-Marie, qui a grandi à Diquini parmi des gens modestes, dut, nous dit-on braver «les résistances de son milieu et l'opposition de ses parents», pour entrer à 15 ans au Centre d'Art où elle travaille le dessin avec Lucien Price. Elle abandonnera après deux ans(2), court répit alors d'une course bientôt reprise puisque huit ans après, elle laissera tomber son emploi à la fonction publique pour se lancer, appelée par une vocation certaine, dans cette grande tourmente picturale qui ne la lâchera plus et ce, même dans ces pires moments d'essouflement et de déprime que connaîtra sa vie.
Insatiable, elle compte à partir de 1959, de tous les mouvements et floraisons que connaît la peinture haïtienne d'alors et fréquente avec fruit l'expérience et les acquis des principaux peintres du pays. Parallèlement à des études intensives d'abord à l'Académie des Beaux-Arts de Port-au-Prince sous la direction d'Amerigo Montagutelli et de Géo Remponeau puis à l'Atelier de Pétion Savain, on la retrouve au Foyer des Arts Plastiques et à la galerie Calfou; en 1960, elle est à Brochette aux côtés de Luckner Lazard, Dieudonné Cédor, Denis Émile, Néhemy Jean, Tiga et Antonio Joseph. Sans doute, se cherche-t-elle encore une difficile voie, se crée-t-elle une envergure, mais déjà ne laisse de transpirer sous une touche qui s'affirme, cette sensualité, manière toute à elle « dans toute une série de toiles qu'elle consacre à la femme, (de rejeter) les rôles traditionnellement définis: ceux de l'homme dominateur et de la femme objet.» (3)
L'exposition consacrée aux onze femmes peintres en 1963 et inaugurant la naissance du groupe «Les jeunes peintres» découvre une Rose-Marie maîtresse d'elle-même et résolument prête pour les grandes entreprises. Abandonnant alors délibérément toutes les écoles, seule, patiente et obstinée, elle entreprend l'aventure d'une écriture personnelle de l'histoire d'Haïti. Elle plonge dans l'Ethnologie et l'Histoire avec l'aide de Gerson Alexis et de Jean Fouchard; elle se laisse impressionner par Maillol qu'elle découvre à Paris, rencontre à New-York un peintre américain qui travaille sur le vaudou antillais, redécouvre Enguerrand Gourgue, Hector Hyppolite... Autant de recherches et de fructueux contacts au bout desquels s'amorcera une compréhension plus pénétrante du monde insoupçonné du vaudou et dont les linéaments ne laisseront d'être bénéfiques à une œuvre maîtresse, prévue de longue haleine (30 ans), univers où, en dépit d'un cancer (entretemps découvert) et qui la mine, elle ne laissera ces étonnantes et incessantes incursions qui, elle l'avoue deux ans avant sa mort, la possèdent et l'épuisent: «je me sens comme une misérable petite femme devant cette grande page d'histoire.» (4)
On a peine à croire qu'elle n'aurait réellement jamais cessé de vivre la mort qu'elle voyait déjà arriver «comme un songe»? Rien ne l'arrête : elle fréquente l'Atelier-Institut de Néhémy Jean (71-72); elle prépare en 5 ans son exposition «Autour du Poteau Mitan» (1973), elle rejoint les enseignants de l'Académie des Beaux-Arts (1977) et est présente à la création en 1983 de l'École Nationale des Arts..., sans compter évidemment ce legs assidu et monumental à l'histoire d'Haïti: 34 tableaux en 15 ans. Puis elle s'arrête, le 1er janvier 1988. Elle n'avait que 55 ans.
Marie-Rose Desruisseau est, à date, le seul peintre haïtien à avoir entrepris la tâche ardue de relater l'histoire d'Haïti à travers la peinture» (5) et la première femme peintre à avoir également, et en dehors du courant primitif intégré le vodou dans son œuvre. «Personne mieux qu'elle n'a pu nous introduire dans le sanctuaire du Vaudou pour interpréter le «silence de la nuit» (...) par son œuvre, sa palette, d'un monde de ténèbres a jailli la lumière». (6) En fuyant cette voie royale du folklorisme, qui, étant donné cet intérêt renouvelé pour notre culture, n'a pu que multiplier ses tentatives de s'imposer à elle, Rose-Marie Desruisseau s'est trouvé son «propre espoir», sa propre vérité de l'Histoire et sur le sentier qu'elle a si douloureusement tracé se retrouvent peut-être les couleurs et les formes de notre vrai retour sur nous-mêmes.
Expositions:
Individuelles: 10 de 1965 à 1991 en Haïti et à l'étranger.
En collectif: 29 de 1960 à 1991 Haïti et étranger (Sénégal, Caracas, Santo-Domingo, Etats-Unis, Canada, Martinique, Suisse.)
Décoration et prix:
1976: Prix Jacques Roumain de la Galerie Nader pour sa toile Délivrance.
1988: Honneur et Mérite au grade d'Officier, distinction décerné à titre posthume par le président Lesly Manigat.
(1) Cette monographie, La Rencontre des Trois Mondes, a été éditée par les Editions Henri-Deschamps pour la présentation des Œuvres de Rose-Marie Desruisseau à l'exposition sus-citée. Un document vidéo du même titre a été également préparé pour la circonstance.
(2) Etait-elle alors trop jeune pour qu'il en reste une trace déterminante? R-M. Desruisseau ne s'en réclamera pas plus tard. Haïti et ses peintres, Tome II, Michel Phillipe Lerebours, p372.
(3) Gérald Alexis, dans La Rencontre des Trois Mondes, op.cit p11)
(4) Interview à Haïti libérée, Propos receuillis par Roosevelt Jean-Francois, 24 juillet 1986.
(5) Marie Alice Théard à Haïti Littéraire et artistique (no 3, mai juin 87)
(6) Michel Lamartinière Honorat cité par Alexis, op.cit.

Louisianne Saint-Fleurant
1924
«Quand je peins, j'ai plus de lumière; j'ai une autre compréhension...
plus de force aussi»
Un regard simple sur la vie et les gens, des paroles souriantes, tout aussi vraies que généreuses, rencontrer Louisianne Saint-Fleurant réussit le tour presque magique de ramener la vie à sa dimension simple et originelle.
Louisianne Saint-Fleurant, originaire de Aux Pins, région de Petit Trou de Nippes, émigre à Pétionville à 18 ans, où elle donne naissance à cinq enfants dont, à la mort de son mari, elle sera seule à assumer la charge. De cette part de sa vie, somme toute, sans grand intérêt pour elle, où, bonne cuisinière, elle vendait ses services dans les familles, Louisianne n'en parle pas, ou très peu. Elle semble bien plus prolixe sur une autre aventure, cet autre univers qui s'est imposé à elle autour de sa cinquantaine, quand en 1972, de Maude Robbart, chez qui elle est employée de maison, lui vient la proposition de se mettre à la peinture et que, sans façon, elle s'y essaye: «Jusqu'à l'âge de 50 ans, il ne m'était jamais venu à l'esprit qu'un jour je serais devenue artiste, Quand j'ai commencé à peindre, je ne donnais aucun sens à ça. Maude et Tiga me donnaient du papier et des crayons, quand je rapportais un dessin, ils me disaient que c'était beau, ça me plaisait, je continuais».
C'étaient les débuts de la grande expérience d'art populaire Poisson Soleil initié par Tiga et Maude Guerdes Robart qui révélera deux ans plus tard en 1974, dans une grande exposition inaugurale au Musée d'Art haïtien, les surprenants Levoy Exil, Prosper Pierre-Louis, Antilhomme, Denis,... et, bien entendu, une femme, Louisianne Saint-Fleurant, la seule dans ce regroupement de naïfs haïtiens autour du mouvement Saint-Soleil dont elle est aujourd'hui encore considérée, à juste titre, comme la mère ou la marraine.
Louisianne Saint-Fleurant n'envisagera de faire de la peinture un métier, une activité lucrative qu'en 1977, les étrangers dont elle était la cuisinière ayant quitté le pays. Sans se poser de questions, elle se met alors à cette peinture dont Malraux dira «qu'on ne décèle ni d'où elle vient ni à qui elle parle» et qu'elle-même non plus ne sait définir: «Je ne sais jamais ce que je vais peindre. Je prends le pinceau et c'est seulement après que je vois ce qui sort... C'est aux gens de dire ce que j'ai peint.» Et on ne peut s'empêcher d'admirer, émergeant de ces teintes fortes de végétations exhubérantes, cette joie franche et première qui, dans un grouillement ineffacable, semble continuellement sourdre de ce monde de femmes et de fillettes dont on est tenté de ramener la constante répétition, d'une œuvre à l'autre, à quelque symbolique particulière. Symbolique que Tiga voudra pour une manifestation flagrante de cette maternité qui fait d'après lui l'essence même de Louisiane mais que le calme souriant de la peintre elle-même ramène aujourd'hui à une vérité bien plus simple: «Je peins toujours des gens parce que j'aime les gens... et les animaux aussi, quand ils sont tout petits. Les gens m'intéressent quels qu'ils soient». Cet amour inconditionnel, elle le confie encore spontanément à ses toiles, à nous, malgré la mort inopinée de sa fille Aliciane Magloire dont nous avons pu admirer les poteries et celle plus tragique de son fils, le peintre Stivenson Magloire, lapidé le 8 octobre 1994.
A 70 ans, Louisianne s'accroche à sa peinture, à sa sculpture qui lui ont apporté la réussite de sa vie et aussi à la prière. Elle expose quand on le lui demande, on vient chez elle lui acheter ses tableaux mais quand elle en parle, on entend la voix venue tout droit du cœur, la voix d'une grande dame: «La peinture a fait quelque chose pour moi. Je me suis rendue compte que quand j'ai envie de parler, de dire plein de choses; je peins et je deviens calme. Alors je me dis que tout ça est dans la peinture, que la peinture aussi parle». Aura-t-on connu plus grande harmonie, entre l'art et son créateur!
* Tiré des interviews de Louisianne Saint-Fleurant par Dominique Batraville (septembre 1995) et J.C.Narcisse (décembre 1995), de Tiga par J.C.Narcisse (déc. 1995)

Nos femmes sur scène

Femmes sur scène
En ce qui a trait tout particulièrement à la vie mondaine et artistique, relativement creuses vont se révéler ces années, pourtant, à certains égards, politiquement bouillonnantes, précédant 1934. En effet, à côté de rares et tièdes succès de prestations quelquefois le fait d'étrangers, en vain, la plupart du temps, certains artistes s'efforcent-ils d'entreprendre un public lui-même en mal d'exaltation et d'identification. Pesanteur d'un contexte? Absence d'entrepreneurs et d'animateurs convaincus? Pourtant, rien que du côté des femmes un regard, même sommaire, ne les découvre pas moins étonnament nombreuses à se vouer à l'Art et occupées comme à préparer en sous-œuvre le contexte d'où émergeront (d'où émergent déjà) les premières artistes professionnelles haïtiennes. Certains noms, en effet, brillent et passent la rampe parmi lesquels il faut retenir les actrices Lucie Défly, Odette Jean-Joseph, Odette Chevallier, Lily Taldy, et bien entendu, Jacqueline Wiener-Silvera qui, autant que la distinguée Wanda Wiener (à la fois auteur, metteur en scène, actrice et danseuse), se font fort, dans ce désert, certaines quelquefois en mettant sur pied leur propre troupe, de gratifier le public de spectacles d'une valeur artistique remarquable.
Bien que d'une modestie peu encourageante pour des initiatives d'une délicate texture, la scène résonne aussi du bel canto et de la plénitude de voix dont semblent se détacher, d'une netteté plus convaincante Andrée Gautier-Canez, Andrée Lescot, Carmen Malebranche toutes trois s'étant produites un peu partout (au Canada, aux Etats-Unis, en Europe) dans des concerts chaudement appréciés. A l'occasion, écho se fait-t-elle également de ces notes profondes et accomplies de musiciennes telles Clémence Chéraquit, Marie Moïse, Georgette Molière, Thérèse Souffrant..., à côté desquelles, il faut le dire, se taillent une place des plus enviable, deux grandes et inappréciables méconnues: Lina Mathon-Blanchet et Carmen Brouard.
Avec le mois d'août 1934 cependant, «mois qui a marqué une étape décisive dans le développement du théâtre et du cinéma» et qui voit notamment s'ériger au cœur de Port-au-Prince le grand cinéma-théâtre Rex (1), débute l'âge d'or de l'Art haïtien. Les deux décennies qui suivront verront s'échelonner à un rythme sans précédent et sans égal dans l'histoire de notre spectacle, des représentations comptant parmi les plus enthousiastes et réussies. Elles assistent également, pour ce qui est de la peinture, par exemple, à l'irradiation d'un vaste mouvement dont semble autant l'aboutissement que le catalyseur, la création sous la direction de Dewitt Peters en 1944, du Centre d'Art, véritable fer de lance dont l'étonnante vitalité, en plus d'un rapprochement qu'elle favorise entre peintres, d'un professionalisme pour la première fois révélé, a l'avantage d'offrir à Haïti une porte sur l'extérieur autre que celle routinière des démêlés politiques. Ces années compteront enfin le plus grand nombre de visiteurs étrangers de marque et vivront en 1949 l'apothéose de l'Exposition du Bicentenaire de Port-au-Prince.
De retour en Haïti en 1929, après un séjour de dix ans en France où elle a étudié au Conservatoire de Paris, Carmen Brouard-Magloire, pianiste, compositeur, à cheval sur ces deux époques, en impose par ses concerts classiques consacrés à Bach, Chopin, Listz, Beethoven, Willy Bartsh... «Son premier concert à Parisiana, le 9 octobre 1929, soulève les bravos unanimes de l'assistance pour sa brillante interprétation au piano des meilleurs maîtres. Avec le même brio, elle exécute Rêverie, exquis et langoureux morceau de sa composition»(2). Elle partage avec Ludovic Lamothe le patronage artistique de La Société du Théâtre national, constituée en 1930 à l'initiative du journal Le Matin et des acteurs de La Renaissance, «pour aider les artistes et acteurs à vivre de leur métier», et ouvre la même année une école d'Art. Jusqu'à la célébration du Bicentenaire, on comptera rarement une représentation réussie qui ne la voit sur scène. Carmen Brouard-Magloire vit actuellement au Canada.
La grande artiste Carmen Lahens, excellant aussi bien au piano, dans la comédie, l'opérette, le chant que dans les danses plastiques, forme et dirige une troupe avec les artistes français Eddie Desty, Raoul Nargys et Mme Greder. Leurs premiers spectacles au Rex (début 1934), dans des interprétations de Le Coup de Navaja de Michel Carré et La Bergamote de Jean Ysi, connaîtront un succès mémorable.
Margot Roland, danseuse, de son nom d'artiste Anacaona, «ancienne étoile des cabarets de Paris» retient l'attention déjà à ses débuts réussis au Rex en avril 1938 dans des figures assez osées pour l'époque. Mais, «revers de la médaille, Anacaona renonce à la danse ... et aux plaisirs du monde. Pitoyable, pieds nus, un sac au dos, portant une robe de pénitente et un capuchon de violine, une fillette à ses côtés, l'ancienne danseuse, impassible et recueillie, fait pénitence devant la cathédrale et marmonne des prières... Le 22 juin 1945, elle convolera en justes noces à Home Sweet Home à Martissant avec le poète des milieux interlopes, Magloire Saint-Aude»(3).
Jeanne G. Sylvain, également assistante sociale, ethnologue, membre active de la Ligue feminine d'action sociale et rédactrice de La Voix des femmes, joue un rôle fondamental dans le développement «dans notre milieu de la connaissance et de la pratique des Arts du théâtre». Membre fondateur et membre du premier Conseil de gestion du Centre d'Art dramatique, le CAD (25 novembre 1948) qui deviendra la Société nationale d'Art dramatique, SNAD, (13 décembre 48), où elle sera également professeur d'art.
Jacqueline Wiener-Silvera fonde et dirige, déjà dans le désert des années 30 une compagnie théâtrale qu'elle amène au succès dans les années 40. Artiste, également membre fondateur de la SNAD. On l'appréciera sur scène dans Le Cyclône, première représentation de la compagnie.
Et pour parler d'un personnage qui nous est plus familier, l'une des rares qui fait encore le lien entre ces trois générations, la «dauphine» de ces temps heureux, Micheline Laudun-Denis, pianiste de talent, compositeur, détentrice de plusieurs prix décrochés à des concours internationaux, qui, aujourd'hui encore, n'arrête pas de former des jeunes musiciens haïtiens. A quatre ans, elle accompagnait déjà son père au piano dans l'animation des fêtes d'enfants. Elève de Lina Mathon, puis de Bazile Coldoban, pianiste roumain du Conservatoire de Moscou réfugié en Haïti en 1941, d'Anton Werber Jaegerhuber, elle remporte à 15 ans (décembre 1945) le deuxième prix sur 217 participants du concours de méringues avec sa composition Méringue(4). En décembre 1948, elle étonnera dans son premier récital en solo au Paramount, «au cours duquel les mélomanes purent apprécier sa bonne technique, son intelligence artistique, sa mémoire prodigieuse et son sens musical très développé»(5).
Boursière des gouvernements américain, haïtien, de l'Alliance Francaise, elle aura très jeune le privilège d'étudier à New-York, au Conservatoire de Musique de Paris puis à l'Ecole de haut perfectionnement musical Marguerite-Longac-Thibault. Ses prestations en Haïti et dans nombre de pays étrangers la classe parmi les plus grandes musiciennes haïtiennes.
Mme Laudun Denis a également été, à son retour en Haïti, à côté de Robert Durand, Fritz Benjamin, l'un des membres fondateurs et pilier de l'Académie Pro Musica qui pendant près de dix ans, de 1967 à 1986, a participé à la «promotion de la musique auprès des jeunes talentueux ne disposant pas forcément des moyens de se payer des cours de musique».
Autre fidélité exemplaire à la musique que celle de Micheline Dalencour, benjamine du milieu qui, depuis bientôt une trentaine d'années, de par ses initiatives personnelles, dans différents collèges, à la Section musicale de Sainte-Trinité qu'elle dirigera pendant quatre ans, nourrit avec une rare vigilance et un enseignement exemplaire, l'intérêt des jeunes Haïtiens à la musique savante. On admirera la passion et la riche documentation de Micheline Dalencour dans les différentes manifestations commémoratives des grands maîtres dont elle se verra confiée la coordination et, depuis plus d'un an, dans son Florilège du Classique qu'elle anime à la radio.
* Sources combinées
(1) La mise en chantier du Rex, «salle de 1200 places» revient à la «Société haïtienne de Spectacles» société anonyme formée en mai 1934 avec pour actionnaires principaux: Edouard Mews, Paul Auxila, Daniel Brun, Léon Déjean, Pierre Nazon, Mme Lily Taldy... Concepteurs exécuteurs: les ingénieurs Pierre Nazon, Daniel et Phillipe Brun; Révision des plans: Léonce Maignan, architecte; Décoration intérieure: Franck Jeanton et Max Ewald, également architectes. La direction en sera confiée à Mme Lily Taldy, ancienne administratrice du Parisiana. G. Corvington, Port-au-Prince au cours des ans, Tome 7, p288 et suiv.
(2) (3) (5) Corvington, op.cit.
(4) 1er prix: Antoine Duverger pour Foufoune, 3ème prix: Walter Scott Elie pour Choubouloute Chérie.
Minette et Lise
D'un colon et d'une mulâtresse affranchie, la rue Traversière de Port-au-Prince voit la naissance, en 1767 et en 1769, de deux jeunes métisses dont les noms ne tarderont pas à figurer parmi les plus populaires de Saint-Domingue: Minette et Lise. Nourrissant alors pour ses petites un rêve qui, compte tenu de sa situation des plus modestes et des barrieres à l'époque étanches de race, ne pouvait être que des plus précaires et audacieux, la mère se met en frais de les initier, mais clandestinement, au syllabaire et plus tard, épuisant à cet effet les maigres rapports de son petit commerce de pacotille, leur engagera un maître d'études.
Quand à quelques années de là, subjuguée par le charme agissant de ces filles d'une beauté enjouée et remarquable, Mme Acquaire, actrice créole de La Comédie de Port-au-Prince, se proposera de leur enseigner le solfège et la diction, y verra-t-elle l'appel inespéré du sort? Nous sommes autour de 1780 et cette offre de la Dame Acquaire, entraînant d'un pas assuré les petites Minette et Lise dans la Danse sur le Volcan(1), leur traçait, du même coup, la voie qui mènera à la consécration des acteurs de couleur sur la scène de Saint-Domingue(2).
Peu de temps après, en effet, faisant montre d'une disposition exceptionnelle pour le théâtre lyrique, Minette qui, dans l'intimité ne laissait de recueillir l'approbation des proches, ne tardera pas à se voir ouvrir les portes de la Comédie de Port-au-Prince — jusque-là forcées uniquement par les talents indiscutables de nègres musiciens — où le 25 décembre 1780, aux côtés d'acteurs notoires, elle se fera chaudement applaudir «dans des ariettes `du genre' et plusieurs duo», «au grand concert vocal et instrumental» traditionnel de Noël. Enhardie par ce succès d'estime, on la verra alors, en dépit de ses 13 ans, former avec le concours de la dame Acquaire et son mari également artiste à la Comédie, l'audacieux projet de se présenter non plus dans un tour de chant mais, rêve combien ambitieux pour l'époque, dans un rôle d'opéra.
De ce jour mémorable qui verra alors la scène s'ouvrir triomphalement sur son avenir, on n'a encore autant et mieux dit que Moreau de Saint-Méry: «Le 13 février 1781, M. Saint-Martin, alors directeur, consentit à voir mettre le préjugé aux prises avec le plaisir, en laissant débuter sur ce théâtre, pour la première fois, une jeune personne de 14 ans, créole(3) du Port-au-Prince, dans le rôle d'Isabelle de l'opéra Isabelle et Gertrude. Ses talens et son zèle, auxquels on accorde encore chaque jour de justes applaudissements, la soutinrent dès son entrée dans la carrière, contre les préventions coloniales dont tout être sensible et juste est charmé qu'elle ait triomphé. C'est assez, sans doute de ce que la politique a concédé à l'orgueil sans qu'il faille encore que les Beaux-Arts reconnaissent son empire.»(4) Le succès est inespéré, on ne parle plus que du mystère et de l'étonnement de «La Jeune Personne», surnom appelé à devenir le nom de scène d'une femme dont l'emprise de ce jour ne laissera de croître.
Engagée pour trois ans par un Saint-Martin tout aussi subjugué qu'intéressé on verra cette jeune femme d'un dédain affirmé pour les comédies locales jugées comme une dégradation de l'Art, réussir à la mort de celui-ci, le tour de force d'assurer seule, au milieu d'hostilité et de haines raciales toutes les étapes d'une carrière exigeante et passionnée. En effet, au faite d'une gloire enviable, ne la verra-t-on pas monter de plus en plus seule des spectacles où, tenant pour peu les critiques qui signalent son goût trop prononcé du luxe et de l'apparat, elle régle décors, costumes et mise en scène, envoûtant son public par des rôles d'une facture de plus en plus nuancée et ardue et n'ayant de cesse que de détrôner sa rivale de gloire, Madame Marsan la Blanche, qui occupe la scène et les esprits du Cap.
Ce tour de force le réussira-t-elle aussi? Au dire de l'Histoire oui mais, les «exigences du régime et du milieu», on le comprend aisément, ne le lui concéderont que de façon toute mitigée.
Lise, de son côté, fera le choix réaliste de ne pas s'établir à la Comédie de Port-au-Prince. Heureuse décision peut-être, car tiendrait-elle le coup à côté de la dévorante ascencion de sa sœur? Après des débuts réussis aux Cayes en 1784, elle comblera les publics de Saint-Marc, de Port-au-Prince, de Léogane, souvent dans d'autres succès que ceux de prédilection de sa sœur. Oui, Lise aussi, «...aime «le grand genre» et aurait exécuté avec autant de brio les meilleurs succès de Minette mais, assumant plus allègrement sa «créolité», il ne lui déplaît guère de figurer dans Les Amours de Mirebalais, et d'être, à l'ombre de la case de papa Simon, la commère Thérèse, avec sa jupe grossière retroussée jusqu'aux genoux, sa pipe de terre cuite et la saveur des réparties en créole.»(6) Si, elle semble évoluer dans l'ombre de son aînée, les affiches la citant quelquefois comme la sœur de la demoiselle Minette, un témoignage de Moreau de Saint-Méry laisse entendre cependant qu'elle n'en a pas pour autant moins recueilli de suffrages: «...je me rappelle d'avoir assisté avec plaisir à quelques représentations et d'y avoir applaudi en 1788 la jeune Lise, qui d'après ce qu'elle avait acquis depuis son début aux Cayes en 1784, promettait d'ajouter aux annales théâtrales de la Colonie un exemple aussi heureux que celui de sa sœur...».(7)
L'histoire de Minette et Lise s'arrête à 1789. La jeune Lise se serait fait applaudir pour la dernière fois le 24 janvier de l'année précédente dans un des rôles principaux de Faux Lord ou le Pacotilleur et la demoiselle Minette au grand gala du dimanche 4 octobre 1789 dans La répétition interrompue de Charles Mozard. Et puis le néant. On sait que cette même année, avaient déferlé sur les rives de Saint-Domingue, les vagues successives de cette marée de révolte qui avait ébranlé de fonds en comble la Métropole. Les années qui suivirent à Saint-Domingue avaient connu le pillage, l'incendie de plusieurs centaines de maisons, notamment de La Comédie du Port-au-Prince, et aussi le massacre de plus d'un millier de femmes de couleur. Mais dans l'ignorance la plus complète demeure-t-on, aujourd'hui encore, de laquelle de ces vagues aurait emporté Minette et Lise. La bouleversante année 1789 avait baissé le rideau sur leurs glorieuses voix.
* Tiré des recherches de Jean Fouchard dans Le Théâtre à Saint-Domingue.
(1) Titre d'un roman de Marie Chauvet inspiré de l'histoire de ces deux jeunes filles.
(2) Les souvenirs de la visite à Port-au-Prince d'Alfred de Laujon après 1786 et ce qu'il rapporte du théâtre colonial sont à ce compte éloquents: «Les acteurs me faisaient beaucoup rire. Une maîtresse était jaune, un amant était blanc et quelques noirs jouaient le rôle de courtisants. Il fallait se reporter sur la scène pour ne pas entendre parler de préjugés. Ce fut surtout à l'apparition des chœurs que j'eus de la peine à me contenir. Je voyais dans l'ensemble des figures un mélange de couleur dont les nuances étaient différentes entr'elles, et les yeux s'y perdaient. Avec cela, j'entendis plusieurs voix qui me surprirent et je ne trouvai pas que la pièce fût mal représentée». Cité par Jean Fouchard op.cit. p291.
(3) Le mot «créole» semble être pris ici par l'auteur dans une acception autre que celle courante de «personne de race blanche née dans les colonies» et jusque-là inconnue de nous, car il est incontestable que Minette était une métisse.
(4) Moreau de Saint-Méry, op.cit. p989.
(5) J. Fouchard, op. cit. p282.
(6) J. Fouchard, op. cit. p284.
(7) Moreau de Saint-Méry, op.cit. p1101.
Lina Mathon Blanchet
1902 - 1993
Cette musicienne, compositeur, qu'on retrouve pianotant de ses doigts sur son lit de mort ce qui devait être à coup sûr, un dernier appel du folklore de son pays, aurait vu, de son vivant même, son nom sombrer dans le plus complet oubli, n'eût été la présence d'une poignée de fidèles passionnés de musique.
L'emprise du piano sur Lina Mathon remonte à ses 4 ans: «Quand elle allait quelque part où il y avait un, elle restait assise et le regardait, fascinée». Dans l'étonnement d'un désir aussi marqué pour cet âge, ses parents ne firent pas moins alors que de s'en procurer un et de lui trouver, en la personne de Justin Elie, un maître sur mesure, sans se douter un instant qu'offert ainsi, ce piano serait, pour leur fille Lina appelée à y passer sa vie, plus qu'une véritable passion. Révélée à elle-même et à son talent, Lina se produit alors avec tous les maîtres que compte l'époque jusqu'au jour où, dans l'évidence des limites mêmes du milieu et de l'impossibilité pour une âme aussi ardente de se surpasser, son mari Max Fussman (juif polonais réfugié de la Seconde Guerre mondiale en Haïti et qu'elle épouse en secondes noces) la décide finalement à partir travailler à l'Université Catholique de Washington.
Cela se passe en 1943. Mais bien avant, dès la fin des années 30, Lina fait déjà parler d'elle comme promotrice assidue de la musique folklorique de son pays qu'elle est, pour ainsi dire, l'une des premières à introduire sinon à révéler en barres de minerai pur sur la scène de nos théatres. Sa connaissance avec ce folklore remonte à ce jour où, rompant une fois pour toutes la glace, elle parvient non sans force insistance à vaincre les réticences de cette marchande de lait, sa pratique, à l'emmener à ce lakou niché «au haut du morne» voisin d'où, depuis quelques temps déjà, fusait cet air lancinant et plaintif dont en vain, des nuits entières, elle s'efforçait d'écrire la partition. De cette nuit, «initiatique» pourrait-on dire, qu'elle passe alors dans la contemplation d'une magie insoupçonnée et fascinante de gestes, dans l'imprégnation de chants et sons dont elle a sûrement du être parmi les premières de son monde à approcher de si près les recoins denses et sacrés, date, on le sait, ce grand pélérinage musical qui la verra parcourant le pays entier, visitant les hounfò, les lakou, attentive aux moindres cahutes, aux moindres «sons» d'un «service» ou d'une cérémonie vodou.
Mettant alors à profit ce qui devait être un don exceptionnel pour la musique et, devenue légendaire, cette mémoire jamais en défaut lui permettant de rejouer sans rature, même quelquefois en reprenant d'oreille, elle emmagasine tout, étudiant les rythmes, les décomposant et réharmonisant à souhait. Ravivant un feu dont, une quinzaine d'années plus tôt, un Justin Elie, un Franck Lassègue agrémentaient leurs compositions musicales en les «parfumant de l'âme populaire haïtienne», et l'alimentant d'une foi ainsi que d'une conviction propres, Lina, musicienne née, qui professait vis-à-vis des classiques un respect touchant à la véneration (préférant par dessus tout Mozart, qu'elle interprétait par ailleurs à la perfection), se retrouvera dans le sillage romantique de Chopin, Listz, Granados... à donner vie à des versions élaborées d'airs colorés de son terroir, faisant du coup entre le populaire et le savant, ce mariage fructueux et détonant qui, d'un pays à l'autre, et à des échelles diverses, a vu l'accomplissement de tant de musiciens.
Tout entière, en effet, à ce courant d'époque marqué fortement au sceau prometteur de l'Indigénisme, sur une scène beaucoup plus accoutumée «aux gracieuses ballerines» d'Annette Merceron et aux prestations plus «classiques» de Carmen Brouard, ne la verra-t-on pas, dans des concerts réhaussés de chœurs, se démener en diable et, dans ce climat où prend corps un esprit gros du «rejete»(1), imposer la troupe folklorique où elle fait tout à la fois office de maître de musique, de chant et chorégraphe?(2). «Esprit d'avant-garde, femme vive, spirituelle qui dégageait un tel charisme que même dans ses derniers jours elle accrochait encore les regards», Lina Fussman-Mathon, renverse les barrières, ouvre à ses galas folkloriques les portes du prestigieux cercle Port-au-Princien(3), et, pénétrant plus avant encore dans l'affirmation de valeurs frappées d'opprobre, provoque en 1938, l'admiration mitigée du tout Port-au-Prince en faisant — comble d'audace pour l'époque! — chanter sur scène en créole la promotion sortante de l'Ecole Maud Turian où elle enseignait le chant.
Ce qu'a dû lui côuter un engagement pareil, on ne le saura jamais. Toujours est-il que c'est à son esprit frondeur et à celui d'autres tels Clément Benoît (le premier à tenter dans son programme radiophonique «L'heure de l'Art haïtien» la diffusion des chansons populaires du terroir), Simon Benjamin et son chœur Aïda, Odette Glœcklé (ancien professeur de chant à l'Académie de musique de Rouen qui offrira également avec ses élèves des galas folkloriques très appréciés) qu'on devra la cristallisation de ce mouvement national dont les moindres fruits ne sont guère qu'une approche et une sensibilité autres à l'écoute du terroir.
Faits marquants de sa carrière.-
Professeur de Micheline Laudun-Denis, de Ferrère Laguerre (son neveu), de Jean-Léon Destiné (danseur partenaire de Gladys Hyppolite, vedette étoile de sa troupe), avec qui elle partage, autour de 1947, la direction de la Troupe nationale folklorique, spécialement constituée pour les fêtes du Bicentenaire et qui avait pour mission «de ressusciter tout un ensemble de traditions et de légendes léguées soit par nos origines africaines, soit par les mœurs de l'époque coloniale, soit enfin par les hauts faits de l'Histoire nationale(3). Le spectacle inaugural de cette Troupe nationale, principale animatrice de toutes les soirées haïtiennes du Théâtre de Verdure également inauguré en la circonstance, compte parmi les meilleurs de l'époque. On la retrouve toujours dans le cadre de l'Exposition, au côté de Wanda Wiener dans la création du spectacle La Féerie des Eventails et en accompagnement du pianiste américain Donald Shirley.
A une Lina dépisteuse de talent, on devra aussi de faire connaissance avec les mémorables et troublantes prestations de la chanteuse Lumane Casimir et les compositions éternelles du tambourineur Ti Roro. Même frappée de cécité, elle continuera jusqu'à sa mort, à enseigner et à orienter tous ceux qui étaient appelés par la musique et le chant. En 1989, elle est conseillère musicale du Ballet folklorique d'Haïti dans la création de Doréus et également de Tezen, conte musical de la même troupe qu'elle n'aura pas le plaisir de goûter à sa sortie en décembre 1995.
Les cahiers de musique de Lina Mathon-Blanchet sont introuvables. Tout aussi introuvables, son curriculum artistique qui retrace ses correspondances avec ses professeurs et confrères étrangers et ses nombreux concerts en dehors d'Haïti. Les seules œuvres gravées lui ayant survécu sont le quintet Contes et Légendes d'Haïti et les arrangements du Chœur Simidor produits par Raoul Denis père.
* Basé sur les interviews de Lucienne Mathon-Denis (sa sœur), Micheline Laudun-Denis, Marlène Roy-Etienne (ses nièces) et Marithou Chenet-Moscoso.
(1) Elle se fera même interpeller un jour par la police à une cérémonie vodou avec un groupe de ces étudiants et se fera vertement tancer pour assister à des manifestations aussi immorales.
(2) Pour ses prestations, cette troupe étrennait le costume national dessiné par Lina Mathon Blanchet elle-même: robe bleue carabella arrangée de volettes en siam, foulards à la taille et pour les cheveux en siam; pantalon de gros bleu, machette et alfor pour les hommes, dont on retrouve aujourd'hui encore beaucoup de variantes. Elle en fera pour elle aussi son costume journalier de directrice de troupe et pour ses prestations sur scène.
(3) Serait resté mémorable le gala d'art indigène qu'elle y présenta en mai 1939 avec Anton Werber-Jaegerhuber, Charles Miot et Gaston Durand. Georges Corvington, op.cit. p296.
La troupe de Lina a été invitée à représenter Haïti à un grand festival folklorique de Washigton au Constitution Hall des «Daughters of the American Revolution» dont l'accès avait été jusque-là interdit aux artistes de couleur et même à la célèbre Marian Anderson. Jean-Léon Destiné, Hommage à Lina Mathon-Blanchet, Le Nouvelliste, 15 mai 1994.
Lumane Casimir
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«Une artiste à l'expression plus authentiquement haïtienne, membre du Trio Astoria que dirigeait Jacques Nelson, commence à éveiller l'intérêt. Chez Mme Ludovic Boucard, rue Lafleur Ducheine, elle vient parfois chanter et pincer la guitare pour le plaisir de la maîtresse de céans et les passants, intrigués par son timbre éclatant, se groupent devant la maison pour l'entendre... C'est l'aurore d'une célébrité qui bientôt conférera à la chanteuse Lumane Casimir, première Haïtienne guitariste, le titre enviable de première vedette du chant en Haïti. Aux festivités qui marquent l'inauguration de la nouvelle ville frontalière de Belladère en 1948, la chanteuse émeut son auditoire par sa voix bouleversante. Le succès, durant l'Exposition, des chansons folkloriques Panama m tonbe, Papa Gede bèl gason, et Caroline Acaau, harmonisées et orchestrées par Antalcidas Murat du Jazz des Jeunes, et que le chanteur porto-ricain Daniel Santos divulguera aux quatre coins du continent, lui apportent la consécration»(1).
Les rapports sur sa vie confinent si souvent à la légende et si peu bavardes nous paraissent, par ailleurs, les traces de son existence authentique que, n'eût été le crédit implicite accordé à certaines formes de témoignage, on serait en droit de ne voir en Lumane qu'un pieux et pur produit d'un mirage collectif. Très peu de choses en effet demeurent aujourd'hui d'elle, en dehors de ce qu'elle était une «paysanne à la voix d'or» dont les chansons resteront «dans les mémoires comme les airs les plus évocateurs des heures d'enchantement de l'Exposition du Bicentenaire» (2). Et malgré notre rencontre de certaines personnes l'ayant un peu connue, et plus souvent vue sur scène, esquisser un parcours linéaire de Lumane ne peut tenir que d'une réelle gageure qu'après maintes infructueuses tentatives nous renonçons humblement à relever.
Sa guitare sous les bras, elle serait vue à Port-au-Prince autour de ses 14 ans, fraîchement débarquée des Gonaïves. Menant l'existence typique des artistes fauchés, c'est au Champ de Mars, à l'un de ces attroupements que ne manquaient pas de provoquer ses concerts de rue improvisés, qu'elle se serait fait repérer par le peintre Alix Roy qui s'empresse de l'introduire auprès de sa tante Lina Mathon Blanchet. Le diagnostic du maître est immédiat : son talent est incontestable et il ne faut pas plus pour que Lumane soit aussitôt comptée de la Troupe de Lina. «Officieusement», nous confie l'une de nos sources car, si par ailleurs Lumane tient sans conteste la scène avec le fameux Jazz des Jeunes, Lina, jouant sans nul doute de cet art, si utile aux succès d'époque et si particulier à elle, de rendre étonnament fructueux le côtoiement de mondes de nature diverse et à priori antagoniques, la produira dans ses concerts surtout en intermède, accompagnée de l'indomptable et imprésivible Ti Roro. Car enfin qui est-elle? De balbutiements et de souvenirs diffus, il ressort à peu près ceci : apparemment de souche floue et modeste donc par conséquent peu intéressante pour un certain milieu, la perception d'elle oscille entre celle d'une fille de rue et celle, pas plus recommandable, d'une fille à vie affective et sentimentale instable — on rapporte, incidemment, qu'autour de 1949, elle aurait épousé un nommé Jean-Bart mais d'un élan et de noces somme toute de durée brève. On a la certitude qu'elle écrivait elle-même nombre de ses chansons, qu'elle était toujours à court d'argent et qu'elle n'arrêtait jamais de boire... On se rappelle tout particulièrement son maintien et son air un peu revêches, la vivacité de ses propos envers qui s'aventurait à l'aborder à rebrousse-poil, tout cela rehaussé de l'excentricité de chaussures de tennis à homme blanches et de ce large chapeau fleuri dont sur scène, et même dans les représentations de la troupe à l'étranger, elle ne consentait que difficilement, pour ne pas dire jamais, à se déprendre.
Si l'on s'en tient à l'année 1953, avancée comme année de sa mort, le passage de Lumane dans la chanson haïtienne semble, tout compte fait, n'avoir été que de très courte durée. On veut qu'elle ait connu vers la fin de sa vie l'abandon et la plus grande misère et qu'elle soit morte tuberculeuse, dans une cahute à «Fò Senklè». D'autres voix insistent que Lina — ou une autre main secourable — l'aurait assistée dans ses derniers moments et qu'elle serait morte à l'hôpital. Une dernière version, celle-là tout aussi plausible, soutient qu'elle serait morte très jeune — environ 35 ans — d'usage abusif d'alcool et de la vie peu rangée et définitivement épuisante qu'elle menait.
La vie de Lumane, tout comme sa mort, a été celle des grands, d'une densité imprenable. D'elle demeurent le plus important, ces chansons si merveilleusement tenaces, des bribes que visiblement nous n'avons pas encore pris le temps de recoller et porté par la voix d'épigone d'une Carole Démesmin à son sommet, cet hommage de l'écrivain-conteur Koralen :
Si Lakansyèl te gen vwa
Si lakansyèl te ka chante
Se tankou Limàn li ta chante
Kote Limàn pran lavwa
Gen yon toubiyon ki leve
Mande pye palmis yo danse
Epòk sa a se nan tan Bisantnè
Si ou fèt avanyè
Ou pa sa konnen
Kouman ayisyen te fou pou li
Kouman yo te renmen
Limàn Kazimi.
Yon tifi, yon ti kòmè pwovens
Ki rive Pòtoprens
Vini chache lavi
Yon tifi, san fanmi san zanmi
Yon gita anba bra l
Ak yon espwa nan vwa l
Lè l kanpe, lè l kanpe pou l chante
Wosiyòl k ap pase vin poze pou tande
Se konsa anvan 1 an pase
Bèlè kou Bwavèna se de li y ap pale.
Nan yon ti kay san limyè
Ki te nan lakou Fò Senklè
Genyen yon fi ki pwatrinè
Se la yo di l remize
Gen yon sèl moun k ap okipe l
E se pa toulejou l vini
Se de twa timoun nan vwazinay
Ki konn fè ti goutay
Pou ba li manje
San konnen se yon dènye zanmi
Se yon dènye fanmi:
Limàm Cazimi
Lè l mouri, lantèman l ap chante
Tout moun li te fè byen yo youn pa prezante
Men se te yon jounen san solèy
Syèl la t ape kriye tout nyaj yo te pran dèy
Pye lorye ki gen sou plas Sentàn
Yo pliye yo panche pou yo salye Limàn
E nan van, nan van ki t ap pase
Gen moun ki fè sèman yo tande l ap chante:
Papa Gede bèl gason
Gede Nibo bèl gason
...
....(1) Georges Corvington, op.cit. p321.

Martha Jean-Claude
1929
Quand j'ai commencé, il n'y avait pas de femmes qui faisaient ce métier; il y avait partout des artistes de théâtre. Tous les dimanches et jours de fête, je chantais à la chorale de la Cathédrale. Dès l'âge de 12 ans, je faisais partie de cette chorale, ayant été initiée par les sœurs de Sainte-Rose de Lima.»(1). C'est de là que, timidement, elle se fait entendre comme choriste dans les coulisses de son amie Emérante de Pradines jusqu'au jour où le public réclamant à tue-tête le second rôle découvrira avec émerveillement l'intemporelle Martha Jean-Claude. On l'appréciera désormais seule ou aux côtés d'Emérante dans les soirées privées, les réceptions d'ambassade... quand ce n'est pas dans l'une de ses prestations au théâtre, dont dans les années 40 déjà elle semble tout aussi friande.(2)
Puis Martha Jean-Claude nous est ravie quand le 20 décembre 1952, enceinte de 3 mois, elle est emprisonnée. Critique trop osée du gouvernement, activités communistes de son mari (absent du pays lors de son arrestation), mise en échec de ce projet, trop révolutionnaire au goût de Magloire, de construction d'une maison pour démunis? Pour ne laisser d'être imprécis et quelquefois contradictoires, les chefs d'accusation ne disent pas moins clairement que sa présence est indésirable et, à sa libération provoquée par un état de santé si inquiétant «qu'elle devra etre transférée à l'hôpital», elle ne se verra d'autre recours que l'exil.
C'est alors que Cuba verra arriver, après son très court séjour au Venezuela, cette jeune femme et ses chansons en quête d'une terre d'accueil. Se voyant alors contrainte à des emplois de fortune comme linotypiste, coiffeuse, Martha ne devra pas moins attendre 1956, sa rencontre avec Celia Cruz et l'enregistrement de son premier disque Canciones de Haïti, pour se voir lancée sur la scène cubaine, amorce d'une vivante carrière internationale. Chanteuse étoile des plus grands cabarets cubains (Tropicana, Sans-Souci), figurant régulièrement à l'affiche de spectacles dans les plus grandes villes d'Amérique et un peu partout dans le monde on la verra, à l'occasion, accompagner Nat King Cole, Mendosa. Loin de se départir de cette affection particulière pour le théâtre elle interprétera avec un égal bonheur des rôles divers à l'écran et dans des séries télévisées très populaires et prisées. Son propre film, Simparele dont, en plus du scénario et de la réalisation, elle incarnera le rôle principal sera primé à Cuba, en Palestine, en Espagne et en Allemagne.
S'il est insensé de prétendre embrasser en si peu de mots plus de 50 ans d'une carrière aussi riche, on reste par contre ébahi de découvrir cet univers et ce parcours marqués d'une fidélité entêtée et résolue à Haïti dans ce qu'elle recèle de plus autochtone. En 1957, peu après la révolution cubaine, elle se trouvera aux côtés des Haïtiens à l'ICAP (Institut Cubain d'Amitiés avec les Peuples) pour des recherches autour de la culture haïtienne. Si au cours de sa longue route, seule ou avec MAKANDAL, ce groupe musical monté avec entres autres musiciens de talent ses enfants, tous retrouvés sur ses traces, une juste place a dû être faite dans ses chansons et ses mélodies à une vigueur toute cubaine, ce sera avec assez de bonheur pour que Cubains et Haïtiens se réclament et s'approprient également la «nuestra haïtiana cubana» qui elle, en retour, ne trouvera pour se partager que ces mots pleins d'amour: «Mwen se fanm 2 peyi / Soy mujer de dos islas». De cette fidélité à l'engagement qui pérennise, le pas est franchi maintenant avec la création en mai 1996 de la «Fondation Culturelle Martha Jean-Claude» qui se propose, sous la direction du fils de Martha, Richard, de travailler à la promotion de la culture et du patrimoine des deux pays.
Il a fallu, sur l'invitation de la mairesse de Port-au-Prince, Mme Franck Paul, ce retour de Martha chez nous, chez elle 34 ans plus tard, en 1986, et cette tournée effrénée de février 1991 (où elle se produit au Café des Arts, au stade Sylvio Cator, au Théâtre National, au kiosque Occide Jeanty, au Club international...), pour que nous sachions à quel point elle nous a toujours été familière. De l'acceuil de ce public incrédule de la voir enfin, émerveillé de reprendre avec elle comme si ne datait que d'hier leur dernière rencontre, Dodo Titite, Kouzen, Agœ..., Martha a dû tirer la certitude de pouvoir exprimer enfin librement cette vérité de toute sa vie: celle de n'être jamais partie.
Discographie
1956: Canciones de Haití
1971: Martha canta a los niños; Disque d'or de Cuba
1975: Yo soy la canciòn de Haití
1976: Agœ
1995: Mwen se fanm 2 peyi/ Soy mujer de dos islas.
Films
1962: Yambao
1980: Entre el cielo y la tierra
1986: Simparele
Série télévisée
Algo más que soñar
Décorations et médailles
Médaille de la Culture nationale (Cuba)
Médaille Raul Gomez Garcia
Trophées (Boston, Canada, New-York)
Honneur et Mérite de l'ordre des Officiers, 1996, Haïti.
Prix
Simparele primé à Barcelone, San Sebastian, Laizip et prix de la M.L. Palestina.
* Basé sur l'interview de Richard Mirabal Jean-Claude, fils de Martha Jean-Claude et directeur général de la Fondation Culturelle Martha Jean-Claude.
(1) Martha Jean-Claude à Tap-Tap Magazine, no.76 (21.02.1991)
(2) Elle jouera aux côtés des acteurs de la Troupe Martial Day notamment dans Fifine et Toutou, L'Arriviste, Sanite Bélair (version de Mme Rosemond Manigat), Loccocia, Barrières...
(Voir Corvington, op,cit p294 et suiv.)
Emerantes de Pradines
1928
Chanteuse, danseuse, actrice…, elle s'est révélée, ici autant qu'à l'étranger, plus qu'un témoin, l'une des zélées protagonistes d'un mouvement culturel en pleine affirmation.
Fille du chanteur-compositeur haïtien Auguste de Pradines, Ti-Candio, Emerante, pour n'avoir connu, dès son plus jeune âge, qu'une chaleureuse atmosphère artistique entretenue dans la maison familiale et pour avoir eu par ailleurs, très jeune, le privilège, rare à l'époque de se frotter à la culture populaire et au vodou, vit et laisse à voir son parcours comme tracé d'avance.
Souvent enfant, Emerante chantait avec son père. Aux acquis gagnés à cet environnement de poésie, de musique et de danse viendra se greffer une formation musicale parfaite sous la coupe de Lina Mathon-Blanchet et avec René Bélance comme introducteur de chant. Ainsi donc, à 10 ans déjà, sans peine aucune, elle fait ses premières prestations à la radio en récitant des poèmes dans une émission culturelle. Plus tard, autour de 1942 - 1945, une présence assidue sur scène la donne à apprécier aux côtés des acteurs les plus réputés et dans les grandes pièces de l'époque dont Fifine et Toutou, La Famille des Pitite-caille, Lococia, Sanite Belair de Jeanne Perez (où elle chantera sa première chanson vodou sur scène), Le Baiser de l'Aïeule de Dominique Hyppolite, Barrières de Dorsinville(1)... C'est aussi à cette époque que répondant aux invitations répétées des représentations étrangères en Haïti, notamment celles des USA, du Chili, de France…, Emerante de Pradines s'y produira dans des spectacles de danse ou de chant (où se révélera d'ailleurs le talent de Martha Jean-Claude qui l'accompagnait souvent en seconde).
De toutes ces sollicitations, c'est pourtant la danse qui, semble alors gagner le cœur et l'avenir d'Emerante. En 1947, une première bourse d'études l'amène à New-York, à l'Ecole de danse moderne et primitive de Katherine Dunham où elle apprend puis enseigne la technique Dunham que, bientôt après, de 1950 à 1954, elle introduit en Haïti avec la fondation de La Troupe haïtienne de danse. Dans l'euphorie et la fièvre qu'on connaît à cette époque, elle sera également membre et actrice de la Société Nationale d'Art Dramatique, directrice de la section féminine de la Troupe folklorique nationale (elle y rencontre Lumane Casimir pour la première fois en 1952) et trouvera de temps du reste pour l'animation de l'émission radiophonique «L'heure de l'Art».
En 1954, une deuxième bourse de la Fondation de Parapsychologie ravira à Haïti, et pour plus d'une trentaine d'années cette fois, la dynamique Emerante. De retour à New-York elle poursuit ses études sur les techniques de danse moderne à l'Ecole Martha Graham et entreprend des travaux en Anthropologie à Columbia University où elle rencontre et épouse le Professeur Richard McGee Morse. A Porto-Rico, où elle est appelée à l'Inter American University en 1960, pour la mise au point d'un curriculum de danse, plus tard, à New Haven (Connecticut) où elle fonde et dirige pendant près de vingt ans une école de danse, Emerante mènera une carrière artistique et professionnelle dont, dans son pays, on parlera que peu même à son retour définitif à la fin des années 80.
Depuis 1993, Emerante de Pradines dirige avec son mari, l'Institut haïtien de l'Amérique Latine et des Caraïbes qu'ensemble ils ont fondé et qui se propose d'étudier la culture et les institutions de la Caraïbe tout en établissant un service d'échanges et de coopération entre les pays de la Région.
Concerts:
New-York, Boston, Los Angeles, San Francisco, Montréal, Québec, et New Haven (Connecticut)
Disques:
Voodoo
Original Meringues (Remington)
Creole Folk songs of Haïti (Folkways Records)
* Basé sur l'interview de Emerante de Pradines par Peter Anderson Saint Fleur.
(1) Georges Corvinton op cit, p234 et suiv.

Toto (Marie Clotilde) Bissainthe
1934 - 1994
«Toto a aimé la vie, la fête, la poésie, le théâtre... c'était une très grande diseuse.
[Elle] a profondément marqué le théâtre haïtien par son rapport au texte et son travail de mise en scène de la chanson.
Elle laisse un vide énorme.» (1)
Tournant le dos à une scène encore bruyante des retombées du Bicentenaire, et des excentricités folkloriques de Lina et de Lumane, la Toto qui part d'Haïti à 17 ans est loin de cette mordue de la rampe dont, bien avant ses prestations haïtiennes, nous parviendra, assourdi par un voile de terreur et de silence, un renom de turbulence et de prestige. En effet, à New-York puis à Paris, cette femme pour qui, de tout temps, semblent avoir été créées la rampe et ses tourmentes, donnera dans un premier temps une impression vague d'hésitation studieuse et de tâtonnement. On la voit participer à des stages d'aide-infirmière, amorcer des études d'agronomie, abandonner choses et autres, puis éclate dans une part assumée d'elle-même, celle qui, pour répondre plus authentiquement au monde de rêves et de révolte qui l'habitait, la trouvera en pleine lumière sur la ligne de son départ.
Et c'est cette Toto qui, dans l'ambiance toute d'exultation de minorités révélées à elles-mêmes, se retrouvera, à la faveur d'amitiés fortuites, à faire la découverte enrichissante d'un théâtre en rupture avec lui-même et d'une Afrique en voie de décolonisation, foyer fécond d'une négritude riche et vibrante de perspectives. Dans les remous des Griots (première compagnie africaine d'Art dramatique de Paris à la fondation de laquelle elle participera en 1956 avec Sarah Maldoror, Samba Ababacar, Timiti Bassori...) et sous la direction novatrice et frondeuse d'un Roger Blin puis d'un Jean-Marie Serreau, Toto connaît des débuts remarqués et non moins prometteurs. Depuis, au goût d'acquis successifs ou d'une permanence à chaque coup plus enracinée, se confirmera, dans des pièces de Synge, Pouchkine, Abdou Anta Ka, Ionesco, Becket, Kateb Yacine, Jean Genêt..., une carrière talentueuse de comédienne et qui la trouvera, plus près de nous, dans des mises en scène de Syto Cavé, pour ne rien dire évidemment de ses rôles d'écran, lesquels, pour ne pas offrir à ce monde de mouvement qui était son cadre idéal d'éclatement, ne la trouveront pas moins d'un talent affirmé.
Que cette même foulée ait révélé dans la chanson une fougue aussi ardente, voilà qui n'a rien pour étonner. Et encore moins, nous paraît-il, ces couplets dont plus encore que de leur prêter voix, elle fera crânement le choix à l'époque de faire vivre intensément sur scène les fibres les plus secrètes et subtiles. Accompagnée au début du pianiste Max Piquion puis de Toto Lami, c'est Ferré, Ferrat, Brel, Aznavour, Moustaki, Nougaro, Barbara..., certaines fois dans des adaptations créoles de Jacqueline Scott, bref une marginalité grinçante et rêveuse dont les accents, mêlés aux siens, ne laissent d'affirmer, par-delà pays et race, l'étonnante ressemblance, dans un monde universel de lucre et de routine, d'une écorchure vivace en mal de se retrouver.
Datant de ces échanges, autour de 1970, avec Max Pinchinnat, une autre grande Toto se découvre, marquée, à tout jamais, au sceau de sa rencontre avec la culture profonde haïtienne. Considéré comme soirée inaugurative de cette période, ce récital mémorable de La Vieille Grille à Paris (1973) où, pour la première fois, elle laisse entendre des morceaux de son répertoire inspiré du vodou et récemment constitué. Son parcours s'enrichit alors à mesure de rencontres plus proches des sources qui l'interpellent dont pour les musiciens haïtiens: Daniel Coulanges, Boulo Valcourt, Joël et Mushi Widmaier, et les paroliers Marco Wainright, Michael Norton, Syto Cavé, Lionel et Rolph Trouillot... En 1978, Toto entreprend en effet le chemin du retour et qui, bien plus long qu'elle ne se le figurera, la trouvera de 1979 à 1984, en Martinique, en 1984 en République Dominicaine et enfin en Haïti bien plus tard, en août 1986.
Qu'est devenue pour elle Haïti le temps de ce long crochet de plus de 20 ans? Loin de l'image douloureuse certes mais non moins pleine d'échos tapageurs qu'elle s'était faite, beaucoup plus, a-t-il semblé, un lieu non familier où, de désappointements en successives désillusions, elle se verra contrainte de fermer à mesure des bras offerts à l'arrivée. Multiples seront, en effet, les tentatives de Toto de trouver le mot, le ton qui ouvrirait le dialogue... L'Haïti tant chantée restera implacablement muette à son invite. Cependant, elle n'en fera pas moins sa demeure permanente, partagée entre cette glu singulièrement riche de sollicitations décousues et de fausses répliques d'une terre natale à reconstruire et des engagements d'artiste à honorer (elle se surpassera par exemple en 1989 à Dakar, à ce spectacle sons et lumière créé pour la réunion de tous les chefs africains où elle chante Toussaint Louverture). Loin de ses meilleurs moments de trépidation, elle joue alors très peu en Haïti.
Ses proches revivent encore cette insondable défaite : «Quand nous sommes revenus en Haïti, c'était pour construire. Et quand Toto s'est rendu compte que ce n'était pas possible, elle a tout lâché. Elle n'avait plus la force de revenir en arrière»(2). Un répit était-il envisageable dans la prise en compte, l'acceptation réaliste d'un échec? Mais comment raisonner et rendre lucide de grands mots et un rêve? «Elle était une enfant. Elle a toujours eu 7 ans. Sa révolte et son amour ont eu la témérité et la vérité d'une enfant»(3). Rejetant alors ce qu'elle semblait se refuser à comprendre, Toto, découragée, laisse s'abimer sa santé et à son dernier récital, c'est d'une Toto amère, sur une musique de Léo Ferré, que fusera ce cri douloureux, dernier soubresaut d'amour et de révolte: Ayiti, m pa renmen w ankò.
RÉTROSPECTIVES:
Spectacles
1961-1970 Répertoire francais / créole
Tournées Haïti
1972-1973 Chants Vaudou
Paris, La Vieille Grille; Martinique, Festival de Fort-de-France (avec Akonio Dolo, Beb Guérin, Cayotte Bissainthe); Haïti
1974-1977 Récitals
Bordeaux, Sigma (avec Colette Magny et Catherine Ribeiro); New-York, Academy of Music à Brooklyn / Madison Square Garden / Carnegie Hall; Paris, La Vieille Grille / Fêtes du PSU, d'Amnesty International; de l'Humanité, du MRAP...; Tchéchoslovaquie, Festival international de Musique (Slovakoncert Bratislava)...; Bruxelles, Campus en folie;
1978- Chants populaires d'Haïti
(avec Marie-Claude Benoit, Mariann Mathéus, Beb Guérin, Akonio Dolo, Mino Cinelu)
Paris, Théâtre de la Ville / Olympia Théâtre d'Orsay-Jean-Louis Barrault-Madeleine Renaud / Palais des Glaces; Sartrouville, Théâtre Gérard-Phillipe
Disques
Toto à New York, Chango, 1975
Toto chante Haïti , Arion, 1977; Prix de la chanson TF1 1978
Coda, 1996
Films
1958 Les Tripes au soleil, Claude-Bernard Aubert
1978 En l'autre bord, Jérome Kanapa
1979 Rasanbleman, Film reportage du concert des chants populaires d'Haïti
1988 Haïtian corner , Raoul Peck
1991 L'Homme sur les quais, Raoul Peck
—- La Tragédie du roi Christophe, Idrissa Ouedraogo
Théâtre
Avec Roger Blin: Les Nègres, Jean Genêt; Bœsman et Léna, Fugard;
Avec Jean-Marie Serreau: Les Bonnes, Jean Genêt; Amédée, Le Tableau, Les Œufs, Ionesco; Comédie, Becket; Arc-en-ciel pour l'Occident chrétien, René Dépestre; Le Cadavre encerclé, Les Ancêtres redoublent de férocité, Kateb Yacine; Funny House of a Negro, Adrienne Kennedy;
Avec Guy Lauzen: Un raisin au soleil, Hansberry;
Avec Guy Kayat: Les oiseaux, Aristophane;
Avec Jaromir Knitel: Le Cantiqupe des cantiques, présenté au Festival de Nancy;
Avec Raymond Rouleau: Rashomon, Festival de Spoletto;
Avec Guillaume Chenevière: Le Malade imaginaire, Molière;
Mise en scène de Toto Bissainthe: La Voix humaine, Le Bel indifférent, Cocteau.
Avec Syto Cavé: Songe que fait Sarah , S. Cavé; Rosanie Soleil , Ina Césaire
Sources diverses; Ralph Boncy; Michael Norton (époux de Toto Bissainthe).
(1) Syto Cavé dans Le Nouvelliste
(2) (3) Entrevue de M. Norton